8 mai 2009

le lendemain matin

Etant une pure et innocente vieille dame, je tiens rarement des propos susceptibles de choquer la bienséance. Pourtant, pendant des années, j’ai répété un truc qui faisait systématiquement bondir tout le monde, garçon comme fille, un truc qui me donnait l’impression d’être un monstre, ma conviction que le sexe le matin c’était blasphème. 
Le sexe l’après-midi un peu aussi d’ailleurs. (Sauf si on est en vacances dans un pays ensoleillé.) 
Le sexe, c’était la nuit. Un point c’est tout. 
Nan, je ne suis pas une personne psycho-rigide. C’est juste une question de bon sens. Visiblement pas du tout partagé par la plupart de mes amis qui s’exclamaient « T’es folle ?! Faire l’amour le matin c’est génial!! » 
Ah… 
Vous êtes sûrs *espèce de bande de pervers dégénérés* ? 
Je me suis demandée si j’avais un problème hormonal, si ça existait un problème hormonal qui n’apparaîtrait qu’à certains moments de la journée. Parce qu’en plus, le matin ma sensibilité était à peu près équivalente à celle d’un gigot sous cellophane. En gros, vous pouviez m’enfoncer des clous dans les poignets ou me faire dévorer les mollets par des rats, ça ne provoquait aucune réaction au fond de mon oeil vide – hormis un léger grognement de mécontentement.  Et puis, je me suis rendue compte que le problème était plus vaste.
En fait, le matin, il y a peu de choses que je trouve supportables. Personnellement, après m’être levée, il me faut une heure, un litre de thé, à manger, une émission complète de France Inter (là, je pourrais vous mentir et dire « une heure d’infos avec Nicolas Demorand » mais vu mon rythme de vie calamiteux de ces derniers temps, ça serait plus le créneau horaire du Fou du Roi et encore… là, je continue à mentir un peu) bref tous ces facteurs doivent être réunis pour que, vaguement, je commence à sortir de ma torpeur et à devenir à peu près opérationnelle pour entamer la journée. Donc autant dire que les acrobaties sexuelles au réveil, ça ne pouvait pas être mon truc. C’était pas lié à un problème hormonal, c’était quasi-existentiel. 
Mais ce n’était pas seulement le sexe au réveil le problème, c’était plus généralement le réveil avec quelqu’un. Et là, c’était un drame cornélien puisque : « s’endormir avec quelqu’un = paradis », « se réveiller avec quelqu’un = Guantanamo », « se lever et devoir entrer en communication avec un autre être humain = Klaus Barbie ». Malheureusement, j’ai assez tôt découvert qu’à moins de pécho un vampire, les gens ne disparaissent pas avec le lever du soleil. (Spike, Lestat, j’ai toujours su que vous étiez faits pour moi.) Etant peu ou proue un genre de princesse, le seul être vivant admis à assister à mon réveil, c’était Tikka.
 D’où l’intérêt de ne jamais ramener personne chez soi. Règle de base. Aller chez l’autre permet de partir vite. Voire très très vite. Dans ce domaine, j’ai battu des records personnels assez exceptionnels. (Votre partenaire est en train d’essayer d’ouvrir son deuxième oeil que vous êtes en train de composter votre ticket de métro.) Conséquemment, j’ai inventé le combo « sortir du lit, s’habiller, se casser et envoyer un texto d’excuse ». 
Je serais un mec, je passerais pour un gros connard. Comme j’ai l’immense chance d’être pourvue d’une chatte, ça me donne juste l’air d’un animal sauvage. Après, évidemment, on peut se demander si dans le fond, je ne suis pas quand même un gros connard. Ou en tout cas, mon modus operandi y ressemblait fort. Avec l’expérience, j’ai découvert qu’il était possible de prévenir la veille que je risquais de m’enfuir le lendemain « sans offense hein, faut pas y voir un truc personnel ». 
Du coup, vous comprenez bien que pendant des années, ma préoccupation première le matin ait été « comment je vais faire pour me casser discrètement et surtout SANS avoir à prononcer un mot » plutôt que de pratiquer une activité sexuelle. 
Ceci étant, j’ai l’impression que c’est en train de s’estomper. Je me ramollis un peu. Ma mauvaise humeur se fait plus légère. Et du coup, je me heurte à un nouveau constat : le matin, je suis nulle. Certes, je ressemble un peu moins à ça : 
Je ne suis plus le monstre prêt à vous envoyer à la gueule votre tasse à café si vous osiez lui dire « bonjour » mais c’est pas encore ça (vous noterez le sourire avenant de la meuf cool) :  
En gros, après des années en tant que monstre, je suis passée au stade de l’handicapée – ce qui, après tout, constitue une évolution certaine. Je vise l’échelon Monroe d’ici une petite dizaine d’années.  
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2 mai 2009

A toi, sans rancune

« Chère Tikka,
Bien que nous vivions ensemble, il est parfois difficile de communiquer, je me vois donc contrainte de recourir au message écrit, ce qui est triste puisque tu es actuellement à un mètre de moi. Voilà sept ans que tu partages ma vie – ou plutôt que JE partage TA vie, parce que dans notre relation, j’ai pas vraiment l’impression que le partage se fasse de façon égalitaire. A moins que ta vision du partage des tâches soit : je nettoie, tu salopes. (A quoi, je te ferai remarquer que nettoyer prend infiniment plus de temps que de dégueulasser…) 
Sept années mouvementées… Sept années, c’est trois apparts. Sept années, c’est aussi un cycle de vie. C’est le moment de la réflexion.
Il y a eu des moments magiques, c’est vrai. L’époque bénie où tu étais prête à te mettre en quatre pour égayer mes journées. Comme te jeter dans la cuvette des chiottes. Te crâmer la queue sur la plaque électrique, te cacher dans le frigo pendant quatre heures. A l’époque, on savait s’amuser ensemble. 
Mais désormais, je suis fatiguée de tes caprices, de ton égoïsme et de ton regard désespéremment vide. J’ai supporté que tu boives dans mon verre, que tu foutes tes poils partout, que tu m’écrases pendant la nuit, que tu ne participes jamais à rien à la maison, que tu réclames sans cesse sans rien offrir en retour. Je sais que c’est un peu dur à entendre mais je te signale que j’ai aussi stoïquement supporté ton problème de mauvaise haleine (qu’un petit brossage des dents aurait pourtant suffi à régler mais ça, c’était encore trop te demander).
Mais hier était le jour en trop. D’abord, que tu oses me faire la gueule à cause du petit trou que je t’ai fait dans les poils – alors que mon geste partait d’une bonne intention… Et puis, quand je pense que cette nuit, tu es partie, profitant de l’ouverture de la porte de l’appart et que j’ai dû t’attendre pendant trois heures avant que tu daignes revenir… J’en ai assez de devoir vivre avec la fenêtre ouverte simplement parce que tu ne penses pas à me prévenir de l’heure à laquelle tu comptes rentrer à la maison.
Tu es incapable de me dire clairement les choses. Tu fais sans cesse la gueule sans que je sache si le problème vient de tes croquettes, de ta litière sale, d’un manque d’affection.
Il aurait suffi de pas grand chose pour sauver notre relation, que tu fasses par exemple l’effort de faire un truc mignon quand je te filme. Mais non, rien. Pendant que tu roupilles comme un grosse porcasse sur le lit, je me sens tellement abandonnée que j’en suis réduite à me caresser devant des vidéos de chats inconnus. De vrais chats, qui font des trucs trop coolos d’animaux coolos. 
Cette situation ne peut plus durer. 
En conséquence de quoi, je te demanderai de plier tes affaires et de partir.
Tu peux laisser tes clés dans la boite aux lettres. »
Message informatif à l’attention de Romain : en fait Diane Kruger sort avec Pacey. Désolée. 
(Pas besoin de préciser qui est Pacey, hein ? Ok… Pour ceux qui n’ont pas allumé TF1 le samedi entre 1997 et 2002, c’est l’amoureux de l’amoureuse de Dawson dans la série éponyme.) 

Et sinon, je pense qu’un jour le monde devra admettre que Paris Hilton est un genre de génie.

Pour finir ce post dont la cohérence n’a d’égal que l’incroyable inventivité, je donne la réponse à la question : Que faisait Nora sur la photo ? Nora pressait une bite pour en sortir du sperme (ça, tout le monde l’avait bien compris) AFIN d’écrire son numéro de téléphone POUR QUE le propriétaire de ladite bite la rappelle. Nora a donc enfin trouvé une solution pragmatique à la question existentielle du « et tu fais quoi du sperme après ? » 
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1 mai 2009

Histoire d’O – part two

Paradoxalement, ce n’est ni la sensation de la douleur, ni sa représentation qui semble plaire à O mais la situation, ou l’état, dans laquelle/lequel ça la met. Un état qui oscille entre deux opposés qui semblent se rejoindre : l’oubli total de soi et la sur-conscience de soi. Elle s’oublie dans la douleur et dans le même temps, ses sens sont exacerbés. Elle acquière donc une conscience d’elle-même purement sensorielle. 
L’histoire peut grossièrement être coupée en deux mouvements. D’abord, O est amenée par son amoureux à Roissy, dans un château. Elle est folle amoureuse de lui et heureuse de lui prouver ainsi son amour, enivrée de perdre sa liberté et donc sa responsabilité dans leurs jeux sexuels. (en tout cas, c’est mon interprétation) A Roissy, les femmes sont à la disposition des hommes et doivent suivre un certain nombre de règles qui sont là pour leur rappeler qu’elles sont en position de soumises dont : 
– ne jamais croiser les jambes 
– ne jamais fermer tout à fait la bouche (ça, comme une adolescente un peu conne, je m’étais demandée si c’était vraiment possible) 
– ne jamais regarder un des hommes dans les yeux. 
Le manquement au règlement entraine une punition par le fouet.
Evidemment  sous ses airs de « je fais ça parce que j’aime faire plaisir à mon amoureux chéri et qu’il a insisté » O. kiffe pas mal.   
En sortant du chateau, parce que quand même à un moment il faut aller retrouver la vraie vie et gagner sa croûte, on remet à O. une bague qu’elle devra porter en permanence. Elle est le signe de sa soumission. Si elle croise un ancien de Roissy, il saura immédiatement qu’il peut tout exiger d’elle, n’importe où, n’importe quand. Et là, Pauline Réage fait un choix assez étonnant, elle n’exploite pas cette idée. Elle se contente de décrire les situation gênantes que fantasme O. mais rajoute que soit qu’aucun homme n’ait trouvé O. à son goût, soit qu’elle n’ait rencontré personne de Roissy, bref personne ne profite de la liberté que lui accorde la bague portée par la jeune femme. 
Moment charnière dans le récit, l’amoureux la met à disposition d’un certain Sir Stephen. Mais sir Stephen c’est pas une couille molle. Direct, il grille O. Attention, phrase culte : « Mettez-vous à genoux pour m’écouter, dit-il. Vous confondez l’amour et l’obéissance. Vous m’obéirez sans m’aimer, et sans que je vous aime. » 
S’ensuit une sorte de lutte entre eux parce qu’on élimine pas la question des sentiments aussi facilement et, évidemment, O va aimer sir Stephen. « Elle n’en attendait aucune pitié, mais ne pouvait-elle lui arracher quelque amour ? » Mais surtout, il va lui rendre sa liberté en lui proposant de la perdre. C’est-à-dire qu’il va lui demander de tout accepter, d’assumer son choix sexuel sans faire passer ça sous un hypocrite « je le fais par amour ». Il lui demande d’être consentante et là, c’est beaucoup plus compliqué pour elle que le prétexte de « je me plie aux fantaisies perverses de l’homme que j’aime ». C’est dire « oui, je veux être traitée ainsi ». C’est donc au moment où elle renonce en pleine conscience à sa liberté qu’elle est la plus libre. Et c’est sans doute l’idée la plus belle du livre, devenir enfin maître de soi dans ce qui est, apparemment, le contraire de la maîtrise de soi. 
 

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29 avril 2009

Live-blogguer le néant… un art de vivre

Comme aujourd’hui marque mon dernier retour au-travail-qui-m’a-permis-de-manger-un-kilo-de-pasta-par-semaine-pendant-trois-ans, je fête ça avec un petit live-blogging à l’ancienne (vous vous souvenez, le temps lointain où Zapette et moi on était des copines for ever… tiens, petit tacle amical). Et puis, ça me fera des souvenirs.  

7h50 : arrivée au travail. HANN, putain j’ai trop merdé complètement ce matin. Je suis en avance, la grosse honte. Je m’en veux à mort. J’espère que personne ne m’a vue. Ma réputation est en jeu.

7h55 : satisfaite, je contemple la succession des onglets sur l’ordi. Facebook, yahoo, gmail, netvibes, le blog. Tout va bien. Je devrais pouvoir survivre.

8h10 : je vais voir ma copine l’intendante. « Salut, ça va ? » Sourire crispé de sa part. « Super… Sur les deux agents d’entretien, on est à 100% d’absents. Ria parce que son vol a été annulé et qu’elle a pas trouvé de place avant samedi prochain… Sans commentaire… Et Patrick bah… il a appelé pour dire qu’il ne voulait plus venir. Sandra est absente pour la semaine. La secrétaire a prolongé son arrêt de travail. Voilà… super, super. »


8h30 : il est temps de prendre ma première pause clope. Je suis d’une bonne humeur suspecte à mes propres yeux.

8h40 : je vais pisser, ça fera passer le temps. Je me ramasse méchamment la gueule en voulant m’asseoir sur les toilettes. Après enquête, je suis clairement victime d’un attentat. Quelqu’un a dévissé le siège en plastique des chiottes… Cons d’élèves…

8h45 : mon chef se cale dans son fauteuil et sort 20minutes. (Je ne me fais pas d’illusion sur ces quelques minutes de répit, je sais pertinemment que sa capacité de concentration est de 7 minutes.)

8h52 : mon chef saute sur l’infirmière qui a eu le malheur de passer devant le bureau et entreprend de lui raconter ses vacances en Ethiopie. (7 minutes pile. Je le connais comme si je l’avais fait.) Je me demande si un mercredi matin, elle peut décemment être intéressée par le fait que les pèlerins ont été interdits de voyage à Jérusalem à partir de 1170. (Là, vous sentez toute l’authenticité de mon témoignage, un truc comme ça, ça ne peut pas s’inventer.) Je note au passage que, trente-cinq minutes après son arrivée, grand chef a réussi à prononcer deux fois le mot « race ».

9h10 : « Si Obama ne fait rien, on est mal barrés. » (Vous aurez compris que je ne travaille pas à Sciences Po ou l’ENA.)

9h13 : « c’est ce que j’appelle la communautarisation rampante ». Mon chef, il est producteur officiel de concepts merdiques.

9h16 : le téléphone sonne. L’infirmière en profite pour se faire la malle.

9h21 : Chef s’ennuie. Il sort du bureau puisque, de façon évidente, la petite garce que je suis refuse de deviser géo-politique avec lui.

9h30 : la chef des travaux me demande si je suis occupée. J’hésite. Elle a l’air désespérée et je me sens d’humeur généreuse. Je me dis qu’après une heure trente de présence, il est envisageable de travailler un peu. 
10h49 : la dernière fois que j’ai vu le chef, il lisait l’Officiel des spectacles. Depuis, il a disparu. Je ne peux pas imaginer une seconde qu’il ait déserté le boulot pour se masturber dans une salle de cinéma. Ca serait tout bonnement impensable. 
12h45 : c’est l’heure glauque. Celle où la fatigue me gagne. 
14h : le chef s’est tiré avec 45 minutes d’avance. Et c’est parti pour quatre heures de glande absolue. Allez les enfants, on lève les mains bien haut. Wouaiiis !!! C’est la teuf! 
14h02 : je m’ennuie. Je devrais mettre à profit ces quatre heures pour pondre de l’article, gratter du papier, user du clavier mais mes 3h de sommeil m’en empêchent. Je préfère me livrer à de l’espionnage informatique sur mes proches. 
14h20 : notre stagiaire de 40 ans, dont 15 passés dans l’armée de l’air autant dire une femme d’action, vient de se trainer dans mon bureau comme une âme en peine. Elle m’a dit « c’est calme là quand même, non ? » Je lui ai demandé depuis quand elle bossait chez nous. « Lundi » elle m’a dit. J’ai répondu « bah voilà… tu vas t’y faire. On s’y est tous faits. » (Comme elle est sympa, j’ai failli lui suggérer d’ouvrir un blog – genre « j’te refile un bon moyen de ne pas mourir d’ennui au boulot »- mais ça va… y’a assez de concurrence comme ça. Heureusement que Julie F. a complètement abandonné son blog, ça en fait une de moins – grâce à mon merveilleux stratagème qui consiste à promouvoir les bienfaits de l’alcool auprès de toutes les blogueuses que je rencontre. Vous verrez, d’ici la fin de l’année, il ne restera plus que moi sur l’inter-web français.)
Pour ceux qui suivent courageusement ce live-blogging, une récompense : 

16h : je suis en plein travail (ça arrive rarement certes). Le téléphone sonne. Je réponds. « C’est Véro, Mme Nil a trouvé un i-phone dans les toilettes. Si un élève le réclame, c’est chez moi. » Je réponds ok. Je raccroche. Je continue de travailler en disant à mon collègue « un i-phone, tiens, c’est bizarre, c’est pas le genre de nos élèves… Tiens d’ailleurs, il est où le mien… Ah… il est plus là… il est plus là il est plus là.« 

Je me précipite sur le téléphone. « Allô ? Véro ? Je crois que c’est mon téléphone.
– Attends, je le déverouille pour vérifier. 
    Je parle d’une voix calme et hypnotisante. 
– Non Véro, ne fais pas ça. Ne lis pas mes messages. Vraiment. Je crois que ça vaut mieux. 
– AHAHAH… *éclat de rire démoniaque de Véro avant de raccrocher* 
Je vole jusqu’au deuxième étage et lui arrache mon téléphone des mains. Ouf… Juste à temps. Je redescends bien tranquillement. Arrivée au rez-de-chaussée, je croise Mme Nil qui me demande « Véro t’a prévenue pour l’i-phone que j’ai trouvé ? » 
– Oui, pas de problème. 
– J’ai regardé dedans pour savoir à qui c’était mais j’ai pas trouvé… 
– Ah… En fait, c’est le mien. 
Le regard de Mme Nil se fige brusquement, elle tourne les talons et s’en va d’un pas précipité. 
J’ai l’impression qu’elle me voit sous un jour différent. 
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