1 mai 2009

Histoire d’O – part two

Paradoxalement, ce n’est ni la sensation de la douleur, ni sa représentation qui semble plaire à O mais la situation, ou l’état, dans laquelle/lequel ça la met. Un état qui oscille entre deux opposés qui semblent se rejoindre : l’oubli total de soi et la sur-conscience de soi. Elle s’oublie dans la douleur et dans le même temps, ses sens sont exacerbés. Elle acquière donc une conscience d’elle-même purement sensorielle. 
L’histoire peut grossièrement être coupée en deux mouvements. D’abord, O est amenée par son amoureux à Roissy, dans un château. Elle est folle amoureuse de lui et heureuse de lui prouver ainsi son amour, enivrée de perdre sa liberté et donc sa responsabilité dans leurs jeux sexuels. (en tout cas, c’est mon interprétation) A Roissy, les femmes sont à la disposition des hommes et doivent suivre un certain nombre de règles qui sont là pour leur rappeler qu’elles sont en position de soumises dont : 
– ne jamais croiser les jambes 
– ne jamais fermer tout à fait la bouche (ça, comme une adolescente un peu conne, je m’étais demandée si c’était vraiment possible) 
– ne jamais regarder un des hommes dans les yeux. 
Le manquement au règlement entraine une punition par le fouet.
Evidemment  sous ses airs de « je fais ça parce que j’aime faire plaisir à mon amoureux chéri et qu’il a insisté » O. kiffe pas mal.   
En sortant du chateau, parce que quand même à un moment il faut aller retrouver la vraie vie et gagner sa croûte, on remet à O. une bague qu’elle devra porter en permanence. Elle est le signe de sa soumission. Si elle croise un ancien de Roissy, il saura immédiatement qu’il peut tout exiger d’elle, n’importe où, n’importe quand. Et là, Pauline Réage fait un choix assez étonnant, elle n’exploite pas cette idée. Elle se contente de décrire les situation gênantes que fantasme O. mais rajoute que soit qu’aucun homme n’ait trouvé O. à son goût, soit qu’elle n’ait rencontré personne de Roissy, bref personne ne profite de la liberté que lui accorde la bague portée par la jeune femme. 
Moment charnière dans le récit, l’amoureux la met à disposition d’un certain Sir Stephen. Mais sir Stephen c’est pas une couille molle. Direct, il grille O. Attention, phrase culte : « Mettez-vous à genoux pour m’écouter, dit-il. Vous confondez l’amour et l’obéissance. Vous m’obéirez sans m’aimer, et sans que je vous aime. » 
S’ensuit une sorte de lutte entre eux parce qu’on élimine pas la question des sentiments aussi facilement et, évidemment, O va aimer sir Stephen. « Elle n’en attendait aucune pitié, mais ne pouvait-elle lui arracher quelque amour ? » Mais surtout, il va lui rendre sa liberté en lui proposant de la perdre. C’est-à-dire qu’il va lui demander de tout accepter, d’assumer son choix sexuel sans faire passer ça sous un hypocrite « je le fais par amour ». Il lui demande d’être consentante et là, c’est beaucoup plus compliqué pour elle que le prétexte de « je me plie aux fantaisies perverses de l’homme que j’aime ». C’est dire « oui, je veux être traitée ainsi ». C’est donc au moment où elle renonce en pleine conscience à sa liberté qu’elle est la plus libre. Et c’est sans doute l’idée la plus belle du livre, devenir enfin maître de soi dans ce qui est, apparemment, le contraire de la maîtrise de soi. 
 

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