15 février 2010

Yann Moix, innocente victime de l’effroyable facebook

Vous connaissez Yann Moix ? L’écrivain assez agaçant sur qui on pourrait dire moultes vacheries.

Passons sur l’égocentrisme de l’artiste, ça n’est pas mon propos. Typiquement, plus Moix sent les gens énervés contre lui, plus il se dit avec délectation : « je dérange hin hin… je suis du poil à gratter dans leur bien-pensence ».

On ne va pas non plus parler du fait qu’il pense que Polanski subit un acharnement judiciaire parce qu’il est juif. (Au début, quand j’ai entendu sa thèse, j’étais convaincue que c’était une blague, que d’ailleurs je trouvais plutôt bonne, j’étais honnêtement toute prête à me bidonner et pourtant je suis pas bon public. J’ai même pas envisagé que le mec il avait décemment pu écrire un livre pour soutenir cette idée. Mais en fait, il parait que si.)

Non, moi, mon propos c’est la couleur du cheval que Moix a monté pour pourfendre l’ignoble Facebook. Dans le genre, « oyez oyez je suis le premier martyre du 2.0 ».

On récapitule la polémique. Yann Moix s’est étendu à longueur d’interviews, et continue, pour expliquer qu’il haïssait la Suisse, que les Suisses étaient des « salaups mous », tout ça avec une analyse d’une finesse et d’une subtilité que lui envierait Merleau-Ponty, je cite Moix : « Je te hais, Suisse. Je te demande de m’arrêter, moi, aussi, le jour où je viendrai te voir. Pour cracher sur ton sol immonde. » Les Suisses, ils ont pas trop kiffé la déclaration et ils ont fait la chose la plus simple du monde, un groupe facebook intitulé « Yann Moix, les Suisses t’emmerdent !!!!! »

Comme ce gros bêta il met en lien sur sa page Facebook tous ses articles, il y a mis aussi ses diatribes anti-suisses. Du coup, ça a pas loupé, y’a des utilisateurs qui ont signalé son profil comme comportant des propos limites (ah oui, parce qu’il les traite aussi de putes et de nazis). Facebook a alors suivi la procédure classique – et automatique – le profil de Moix a été suspendu, le temps de regarder le contenu de plus près.

Donc un matin, Yann Moix a voulu se connecter et, horreur, il n’avait plus de page Facebook. Et il s’est fendu d’une tribune qui vaut son pesant de merde.

Parce que de la part d’un mec qui se dit doué d’une grosse intelligence, le minimum aurait été de se renseigner. Et c’est là qu’à là fois ça m’énerve et ça m’intéresse. De toute évidence, Yann Moix, comme pas mal de gens, ne comprend rien à internet et ne cherche pas à comprendre. Il y colle ses vieilles grilles d’analyse.

En voyant qu’il a plus de page, il se dit : HAN… Je dérange Facebook, Facebook m’a censuré. Parce que Yann Moix, il pense vraiment que les dirigeants de Facebook en ce moment, ils ont que ça à foutre de s’occuper de lui. Evidemment, il ne connait rien de la procédure de suspension d’un profil, ni de signalement par d’autres utilisateurs. D’ailleurs, il se demande pourquoi les groupes qui appellent à l’enculer sévère sont toujours actifs alors que son profil non. (Je cite parce que c’est vraiment drôle : « Car pendant qu’on me fait taire, qu’on me sabre, qu’on me supprime, qu’on m’élimine virtuellement, culturellement, intellectuellement, tous les groupes Facebook haineux à mon endroit, eux, perdurent, sont là, consultables, en pleine forme. ») Je lui donne un élément de réponse : c’est parce que tu ne les as pas signalés. La première police de Facebook , c’est les utilisateurs. Non, il n’y a pas une police qui serait payée pour se promener au hasard sur les millions de profils, pour patrouiller et prendre une infraction en flag. Ca, c’est IRL. Pas internet. Sur internet, c’est un système de surveillance de chacun par tous. On signale. Et seulement alors, la « police » enquête et agit.

Une telle incompréhension du site, ça me sidère. Il en est quand même à vouloir appeler ses avocats : « J’ai de la force, de l’énergie, de la conviction, de l’intelligence et des avocats. Le combat commence aujourd’hui. Ceux qui voudront me soutenir sont les bienvenus. » Non mais j’imagine la tête des avocats s’il leur avait exposé le cas. Moix pense que facebook c’est ouvert à tout (« Je suis le premier artiste français, le premier écrivain au monde a être excommunié d’une société virtuelle ouverte à tout le monde sauf un, ouverte au monde entier sauf à moi. ») Tout ça parce que sur la page d’accueil y’a écrit « ouvert à tout le monde ». « Ouvert à tout le monde », c’est pas un engagement politique que prendrait Facebook, c’est un slogan d’entreprise.. Il n’a visiblement aucune idée que non, ce n’est pas une place publique mais une entreprise privée et que pour s’inscrire, il a accepté des conditions d’utilisation. Je sais pas… Il doit croire que Facebook est un droit imprescriptible, pas un service privé. Et il croit ça à cause de deux éléments : la taille mondiale du site ET son aspect public. Le côté public de Facebook peut rappeler l’agora, la place publique du village mondial. Sauf qu’encore une fois, toute comparaison avec le monde IRL ne fonctionne pas. Internet est un autre espace qui répond à d’autres règles.

Forcément, quand on part bille en tête avec un schéma faux, on en vient à dire des conneries monumentales, comme, au hasard : « Ce site pour tous sauf pour Yann Moix. Ce site pour l’humanité entière à une exception près. Ce site universel à un paria près : moi. » Oui, il radote mais je ne m’en lasse pas.

Au moins, avouons que c’est drôle.

Je sais pas pourquoi mais ce genre d’emphase ça me rappelle cet inoubliable discours.

Mais cette fausse polémique (évidemment, est-ce utile de signaler qu’il a récupéré son profil deux jours après) est révélatrice. Et pas seulement de la méconnaissance de Moix. Tous les articles que j’ai lus qui racontaient l’affaire, donnaient uniquement la version de Moix. Pas un pour signaler que sa tribune ne tenait pas la route. SAUF EUX qui savent de quoi ils parlent, Arnaud Devillard, bravo. Mais sinon, niet. (Leur angle majoritaire est de dire que Moix se sert de cette histoire pour faire de la pub autour de la sortie de son livre, ce qui est sans doute vrai.) Pas un alors qu’on peut supposer que ces mêmes journalistes ont une page Facebook. Et on découvre alors qu’ils sont aussi ignorants que Moix. Alors certes, d’expérience, je sais qu’on fait ces news dans le speed, qu’on n’a pas forcément le temps de se renseigner ni d’y réfléchir. Mais ça veut dire que pour savoir que Moix raconte des conneries, il faut encore se renseigner. Ca signifie donc qu’ils ne le savent pas en amont. Et j’en reviens toujours au même constat : il y a une vraie éducation à faire. Tout le monde a une page Facebook et soit les gens ne connaissent pas son régime de fonctionnement, soit ils imaginent un truc faux.

Ca me rappelle un peu les cours d’éducation sexuelle pour les élèves du lycée où je bossais. Elles avaient l’impression de savoir comment ça marchait parce qu’elles baisaient mais dès qu’on parlait un peu avec elles, elles vous sortaient des absurdités comme le fait que les femmes ovulent de plaisir. Ca vous parait con ? Bah ça me parait pas plus bête que la tribune de Moix.

Donc voilà, plus que de propager des idées fausses sur le net, Moix est symptomatique de ces rumeurs paranoïaques. Non pas que Facebook soit un parangon de vertu, au contraire, on peut leur reprocher plein de choses. Mais précisément, on donne une idée fausse du fonctionnement du site, et du coup on empêche de réfléchir et/ou informer sur les vrais problèmes. Par exemple,  à quels compromis on est prêt pour profiter d’un service gratuitement.

yannmoix

PS : Je voudrais pas être mauvaise langue parce que ce n’est pas du tout mon genre mais quand je pense qu’il prépare l’adaptation cinématographique de Voyage au bout de la nuit… oui, on parle bien du grand réalisateur qui nous a infligé Podium et Cinéman.

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9 février 2010

Si tu es intéressé par la Loppsi et les dauphins

Comme l’auront noté les lecteurs du post d’hier, en ce moment mon cerveau n’est pas un exemple de cohérence ni de structure. Assumons jusqu’au bout.

D’abord, j’ai voulu faire un article sur Hadopi, Loppsi et l’Acta pour les nuls. Le problème c’est que le sujet n’intéresse que les spécialistes. Je partais d’une bonne intention pourtant.

Ensuite, putain… c’est dur la vie de pigiste…

Un peu de poésie (ok, c’est de la chasse mais c’est surtout des dauphins qui font des ronds dans l’eau) :

Diane l’a posté dans sa toujours géniale revue du web mais j’aime tellement cette vidéo que je la mets aussi, le chien qui sourit :

Parce que ça correspond assez bien à ma vision de la poésie :

Là, ça serait facile de caser du Lacan, mais même pas je le fais :

Et pour finir, un lien parce que la vidéo n’est pas intégrable. Ashton Kutcher c’est un peu l’ambassadeur mondial de Twitter. Avec Andy Samberg, il invente Tooter.

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24 janvier 2010

Trente ans et alors ?

Je pourrais faire un post déprimant.

Je pourrais faire un post célébrant l’ivresse de l’existence.

Ou ni l’un ni l’autre.

Pour cet anniversaire, il y avait deux scénarios de vie possible.

A/ j’étais seule dans mon studio supra pourri du fin fond du 19ème, sans une thune. Même me faire consoler via des réseaux communautaires eut été compliqué vu que mon laptop a 6 ans et qu’à cet âge-là un PC ça rame comme la traversée de l’Atlantique par ta grand-mère. C’eut été tristesse, j’en conviens. Ca aurait surtout signifié que je n’avais pas avancé d’un iota de pouce de main de nain.

Ledit studio pourri (pris en photo avec l’appareil pourri)

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avec son ingénieux placard cuisine (là où tu peux ranger ton pull et faire cuire tes pâtes).

cuisineplacard

Son charmant vis-à-vis. Voisine chinoise qui passait tes soirées dans ta cuisine, je ne t’oublierai jamais.

vis-à-vis

Ses murs orange. Orange. Orange. (Enfin là, ils ont surtout l’air jaune jaune jaune.)

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Last but not least, sa salle de bain au faux carrelage du plus bel effet :

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B/ je suis dans l’appart de mes rêves avec le monsieur que je voulais et on fait une fête avec les amis. On m’offre un nouvel ordi et un nouvel appareil photo. Je fais un bilan (j’aime les bilans et les listes parce que j’ai des ovaires. Si tant est qu’il existe une nature féminine elle ne réside pas dans l’instinct maternel, l’affectif, la paix, l’amour, mais dans la passion fasciste pour les listes) dans ce bilan donc, je vois que j’ai atteint tous les objectifs que je m’étais fixée un an auparavant (parce que oui, l’année précédente, je faisais déjà des listes puisque j’étais déjà une fille).

L’appart avec une cheminée

chemineeblanche

Et une pièce cuisine

comptoirbeton

Un scénario hautement romanesque. Dans la saison 3 de Girls and Geeks, l’héroïne trouve enfin le bonheur. Pourtant, elle se plaint encore. Pourquoi ?

Réponse 1 : elle est parisienne.

Réponse 2 : trente ans, c’est dur. D’abord, ça veut dire qu’on aura 40 ans un jour. Ensuite, même si on savait que ça arriverait, c’était très abstrait. Et la concrétisation a comme un goût d’arnaque. On sait qu’on ne sera pas toujours jeunes et pourtant, au fond, on n’y croit absolument pas. On vit pendant des années dans un cadre sociétal figé. Celui des génération. Nous, on est les jeunes. En-dessous, y’a les enfants, aucun intérêt. Au-dessus y’a les un peu plus vieux qui ont l’air cool mais qu’on connaît pas trop. Ensuite, les plus vieux qui dirigent le monde. Et puis les âgés. Quand on se rend compte un jour que tout le monde a sauté d’une case, on s’est tous décalés, bah c’est le choc. Les enfants sont devenus les jeunes. Les très vieux sont morts. Les baby-boomers sont à la retraite.

Réponse 3 : « un étudiant, c’est l’infini, l’indéfini » préface de Sartre à Aden Arabie, p 20. Le fait d’obtenir ce qu’on voulait ne procure évidemment pas le sentiment de plénitude attendu. Dans le cadre du scénario 1, je n’avais pas avancé mais tout restait à faire. Tout n’était que projection dans un futur hypothétique. Le champ des possibles était ouvert à l’infini (ou presque). C’est l’avantage de la non-réalisation et du rêve. Une fois que vous faites les choses, même si vous obtenez ce que vous voulez, même si tout se passe encore mieux que ce que vous aviez imaginé, vous n’êtes plus dans la fantasmagorie mais dans le réel. Or, le réel c’est la restriction du possible. Les choses ont été faites, elles ne sont plus à refaire. Vous n’êtes plus dans le prospectif. Il faut donc se fixer de nouveaux objectifs et pour cela faire une nouvelle liste.

Dans la saison 4 de Girls and Geeks, l’héroïne après avoir conquis le bonheur individuel, tentera de conquérir le monde universel.

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Ceci étant, je tiens à rassurer mes lecteurs jeunes : trente ans c’est dur mais c’est infiniment mieux que 20. 20 c’était vraiment pourri. « J’avais 20 ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » Paul Nizan in Aden Arabie.

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