12 septembre 2017

Et voilà les vacances de 2017

Chers amis, nous en étions resté au récit palpitant de mes vacances d’été 2016. Ensuite, il y a eu l’année que je peux assez vite vous résumer sachant que ma vie s’est articulée entre deux pôles qui finalement représentent bien l’extraordinaire diversité des possibles de l’existence humaine : la fromagerie et la pharmacie. Il se trouve qu’un fromager a ouvert à côté de chez moi et que j’ai découvert qu’il n’y a pas de petit chagrin qu’un bout de comté ne peut consoler.

Quant à la pharmacie… Bah… Tu sais que t’es vieille et chiante quand tu dépenses l’essentiel de ta thune à la pharmacie. Avant, je claquais mes pauvres sous chez H&M. Et je me disais que quand je serai grande (parce que je croyais que la fortune venait automatiquement avec l’âge) je le claquerais dans des boutiques de luxe.

Jamais, au grand jamais, je n’avais imaginé que je préférerais dépenser mon argent à la pharmacie. Je n’allais dans les pharmacies que pour acheter des drogues parce que comme tout bon migraineux j’étais la reine de l’automédication.

Or, à la pharmacie je peux acheter des drogues et des crèmes.

Autant dire que mon bonheur est complet.

Et pour finir de résumer cette année tellement riche, j’ai également tenu mon pari d’essayer un truc nouveau. Vous savez, comme Zuckerberg qui se lance un défi chaque année, je tente chaque année un truc que je n’ai jamais fait de ma vie. Mais comme je suis une Zuckerberg de merde, cette année, je ne suis pas encore allée voir le lever du soleil sur la baie d’Along, j’ai testé… le Bon Coin.

J’ai vendu des trucs sur le Bon Coin, pour pouvoir ajouter une coquillette par assiette. Vendre des trucs sur le Bon Coin = avoir l’impression de faire un concours de popularité en classe de 5ème. J’ai très mal vécu cette expérience qui était un peu trop extrême pour moi. (Les gens te demandent de leur parler au téléphone. AU TELEPHONE. Mais putain…) Je crois que ce site est trop socialisant pour moi.

Tout cela nous amène gaiement aux vacances d’août 2017. (On va finir par racrocher les trains du wagon, t’inquéquette donc pas j’ai la bite rude comme disait ma meilleure amie de CM1.) Pour vous décrire mon propre état vacancier, sachez qu’une nuit j’ai rêvé que mon livre sortait (en vrai, il paraît le 9 octobre) et qu’il faisait 0 vente. Zéro. Même ma mère refusait de l’acheter.

 

Donc d’abord on est parti dans le Périgord avec un nazi. Enfin… Excusez mon raccourci. Un historien spécialiste du nazisme. C’était génial. Mais il a raconté une histoire qui m’a traumatisée, une histoire que j’ai trouvé à la limite du supportable. Le soir, dans le jardin, au clair de lune, je cuvais doucement mon alcool pendant qu’il nous racontait d’une voix douce que pendant les premiers massacres en Europe de l’Est, quand les nazis prenaient un village en entier et emmenaient tous les habitants pour les fusiller, bah souvent, ils avaient pas fini en un jour. Alors les survivants dormaient sur le lieu du massacre entourés par les soldats, ils avaient assisté à tout pendant la journée, et ils passaient la nuit là, et il y avait trois grands types de réactions, ceux qui essayaient de s’enfuir, les femmes qui tentaient de faire du charme à un soldat et les parents. Les parents, ils savaient qu’ils ne pourraient pas s’enfuir en courant avec les enfants qui étaient trop petits, alors il ne leur restait qu’une chose à faire : ils racontaient des histoires à leurs enfants. Ils essayaient de leur rendre les choses plus douces, moins terrifiantes, en attendant de mourir tous ensemble.

Long silence.

 

Bon.

 

Sinon, le Périgord hyper cool hein. (Désolée d’avoir cassé l’ambiance mais j’avais besoin de partager ça.)

On avait loué une maison totalement dingue.

Un bâtiment du 16ème siècle qui originellement était un temple protestant par la suite transformé en gendarmerie royale. Y’avait même un cachot à côté de la cuisine.

Clairement, l’esthétique mondiale de AirB&B ne passera pas par ici

Par contre, la cuisine était pas prévue pour 12. Pas de lave-vaisselle et un frigo :

Mais quand je faisais la vaisselle, la vue que j’avais en face de moi c’était ça

Cette maison était dotée d’une bibliothèque dont je ne vous dirai qu’une chose, je prends un livre un peu au hasard (enfin, je prends Noces de Camus parce que <3), je l’ouvre et là

Ok ?

Voilà.

Ensuite, nous sommes partis au Portugal. Nous avons vu précédemment que je ne serai pas sponsorisée par l’office du tourisme de Stockholm. Et bien je ne me fâcherai pas avec le Portugal.

Déjà, le Portugal a produit un phénomène dépassant l’entendement. Le Chef était de bonne humeur. Le-Chef-était-de-bonne-humeur. Ce qui a eu pour conséquence miraculeuse que j’ai pu faire la gueule. Alléluja. Parce qu’être de mauvaise humeur, gueuler, s’énerver, c’est un plaisir qui n’a pas de prix. Or, quand vous êtes deux parents présents en même temps avec les mioches, bah vous ne pouvez pas être deux à gueuler. Y’a de la place que pour un bad cop. Or, comme il démarre plus vite que moi, je me retrouve souvent à être celle qui temporise. Mary Poppins version alcoolisée, un sourire mort sur les lèvres, et au-dessus un regard dans lequel ne perce que la lueur de la dépression. Et dans ma tête un énorme “vous me faites tous chier”. 

Revenons un peu sur le Chef. Parfois, il a un regard tu sais pas si c’est un père de famille qui emmène ses enfants à l’aquarium de Lisbonne ou un agent de DGSE en pleine traque terroriste. J’ai également remarqué qu’il n’aime que les gros animaux qui font la gueule.

Oh regarde, il est trop mignon lui!

Plus c’est gros, moche et patibulaire, plus il fond. (Ca me questionne un peu sur moi-même.) (Et sur les chances de survie de Curly au sein de la famille sachant que c’est le plus délicieux et adorable des petits mammifères à frange.)

Puisqu’on parle enfants, évidemment, ils ont pris une place disproportionnée si on la rapporte à leur taille réelle. (A partir de quel âge, ils prennent moins de place ? Est-ce que en grandissant, d’une certaine manière ils rétrécissent ?) En tout cas, les notres avaient décidé de nous abreuver d’histoires.

Echange typique avec un enfant de trois ans.

– Maman, je vais te raconter une histoire.

– Oui ?

– C’est l’histoire d’un petit-garçon qui aimait pas les ouais.

– Hein ? Les quoi ?

– NON! C’est pas pia qui parle, c’est mia qui parle!

– Ok.

– Il aimait pas les wé.

– Ah! Les jouets! Et ?

– C’est tout.

– Bah… C’est original comme histoire.

NAN. C’est même pas rai. C’est nul.

Et il se barre, furieux.

(Parfois ses histoires étaient plus longues mais je le soupçonnais de les raconter en yaourt parce que c’était une suite de sons qui évoquait bien la langue française mais sans aucun mot reconnaissable.)

Quant aux histoires de Têtard, elles étaient construites un peu comme un roman de John Irving, à savoir que toutes, aussi différentes soient-elles, reprenaient les mêmes motifs. Sauf que chez Irving c’est de la lutte gréco-romaine, un ours et un accident de voiture, alors que chez Têtard ça tourne autour d’un petit-garçon qui tue ses parents (insérer ici moults détails sordides sur la manière de se débarrasser de ses géniteurs), coupe des mains à des policiers et finit par trouver ce qu’il cherchait depuis sa naissance : la liberté.

Le Portugal, ça a également été l’occasion de découvrir que je ne profitais pas assez d’un super-pouvoir, le pouvoir de la mama. J’ai compris ça dans un restau où on allait tous les jours. La patronne était très cool. Bref. Un midi, elle prend la commande. Le Chef commande un seul plat pour les deux nains. Je dis non, je fais signe “2”. Il dit “non, 1”. Et là, elle dit “Ok, 2, c’est la mama”. Putain… J’avais déjà envisagé que le fait de m’être faite déchirer les entrailles par deux nourrissons devrait me donner quelques avantages alors qu’en réalité non seulement ça te ruine ton périnée mais en prime ça te pénalise professionnellement, mais bref, c’était la première fois que quelqu’un m’accordait automatiquement le pouvoir.

Et c’est marrant parce que le Chef, ça lui a fait plaisir. Du coup, j’ai envisagé que peut-être, parfois, c’est fatiguant de vivre avec une ado attardée. Enfin… Disons que je ne perds pas mon énergie à discuter de détails qui ne m’intéressent pas. Or, il y a beaucoup de détails qui ne m’intéressent pas. Par exemple, à la question “tu veux manger quoi ?” ma réponse est invariablement “un truc bon”. Et donc, pour certains trucs, je peux présenter une forme d’apathie. C’est pas que je m’efface, c’est plutôt que ma tête est plus occupée à compter le nombre de carreaux identiques d’azulejos sur le mur en face de moi qu’à décider quelle bouteille de vin on prend (puisque de toute façon, à mon avis, il vaut mieux prendre une bonne bouteille).

Et si on cumule Périgord + Portugal, j’ai visiblement mangé un certain nombre de trucs bons parce qu’il y a une espèce de créature qui a poussé sur mon ventre :

Je vous présente Blurp. (J’avais pensé à faire un gif, mais déjà j’ai collé deux yeux sur mon bide, je me dis que j’en fais assez pour ce blog.) 

Après Lisbonne, ah non ! Attendez. Minute office du tourisme : Que faire à Lisbonne avec des enfants ? L’aquarium et le zoo sont incroyables, le musée Gulbenkian est pratiquable avec en bonus un super jardin, et parce que le Chef a des passions diverses et variées il a tenu à ce qu’on visite un centre commercial. Ou alors c’est la DGSE qui l’avait envoyé accomplir une mission là-bas. Je ne sais pas. En tout cas, il a lourdement insisté pour qu’on passe une journée entière au centre commercial Colombo. “C’est le plus grand du Portugal tu te rends compte ??” Si vous aimez les centres commerciaux, je vous conseille donc le Colombo (juste à côté de l’aéroport, donc parfait quand on a une demi-journée de battement.)  

Après Lisbonne donc, on est allé quelques jours à Nazaré, une station balnéaire parce que j’avais dit que je voulais me baigner avec les enfants dans l’océan. Du coup, avec un gamin de trois ans et un de cinq et donc zéro qui sache nager, comme à nous deux on n’est pas la moitié d’un con, on a loué à Nazaré où on trouve “les plus grosses vagues du monde”. Une idée du truc ici.

Mais comme le Portugal ne nous déçoit jamais, c’était super. Et tout à fait proustien puisque se superposaient le présent et mes souvenirs très sensoriels d’avoir passé le même genre de vacances avec ma mère. Même manger une glace en regardant le coucher du soleil au milieu de 10 000 personnes, c’était cool. Aller déjeuner en maillot de bain toute ensablée. Courir après le seau Mickey que les vagues emportent. Essayer de ne pas s’appesantir sur le fait que ledit seau qui assure des heures de bonheur à la marmaille a sans doute été fabriqué par un enfant asiatique. Etre devenue celle qui va remplir le seau d’eau. Mais être encore celle qui se plaint parce que les cailloux ça fait mal aux pieds.

(c’est pas la photo que je voulais mettre mais tant pis je vous recolle celle-là déjà vue) (Oui, j’étais une enfant très facile.) 

Comme j’étais en plein mouvement proustien, je redécouvert ma passion d’enfant quand tu ne peux pas te baigner parce que l’eau est à 2 degrés et que les vagues font 12 mètres : ramasser des cailloux. Une activité qui a enchanté les enfants. Evidemment, j’ai absolument tenu à rapporter les cailloux à la maison. Ce qui nous a valu un moment épique, quand à l’aéroport, à l’enregistrement des bagages, le mec d’Easy Jet pèse notre valise et nous annonce qu’on a un excédent de poids et qu’il nous faut nous acquitter de la modique somme de 150 euros.

Le Chef s’est tourné vers moi avec des mitrailleuses dans les yeux. J’ai entendu les bruissements d’ailes de sa bonne humeur qui avait définitivement migré loin de nous.

“On ne va pas payer 150 euros tes cailloux, n’est-ce pas ?”

Bah non. J’étais bien d’accord. Ces cailloux étaient beaux parce qu’ils venaient de la nature et pas d’un magasin. J’ai essayé d’argumenter que c’étaient pas forcément les cailloux qui pesaient lourd mais peut-être les maillots de bain qui étaient encore un peu humides. (J’ai étudié la rhétorique à la fac.)  

Et puis le Chef a poussé un long soupire. Et il est parti. Il est revenu hein quand même. Cinq minutes plus tard avec un nouveau sac à la main. On a transvasé et hop, c’était bon.

Mais revenons à Nazaré, où j’ai eu l’occasion de distinguer une grosse différence avec les plages françaises. Ou même pire : les plages corses. A Nazaré, personne ne se jugeait. Rapport au fait qu’on était tous gros et moches. Quand quelqu’un de jeune et mince passait, tout le monde détournait les yeux d’un air gêné, en se sentant désolé pour cette personne au corps déformé par le sport et la minceur.

Quand j’étais une adolescente à la fesse ferme et au cerveau liquide, je me demandais comment les moches pouvaient avoir envie de baiser entre eux. Les moches = toute personne qui ne semblait pas directement sortie d’un magazine ou d’un épisode de Beverly Hills (à l’exception de Donna bien sûr). Et quand je dis « sortie d’un magazine » il faut voir qu’à l’époque, dans les magazines on ne trouvait que Claudia Schiffer et consorts. 

Vous noterez l’absence honteuse de blurp.

J’ignore par quel biais la société avait réussi à me mettre dans le crâne que désir sexuel = perfection physique. J’en déduisais que tous les moches devaient avoir envie de baiser avec les beaux et les beaux ne devaient avoir envie de baiser qu’avec les beaux. (Vous me direz, l’avantage de ce raisonnement c’est qu’il réglait en quelques générations le problème de surpopulation mondiale.) J’avais donc une vision eugéniste de la pulsion sexuelle. Je vais vous faire un aveu terrible : il m’arrivait même d’observer des couples dans le métro et de me demander comment ils pouvaient avoir une vie sexuelle. Ceci étant, je n’étais pas la seule. En grandissant, j’ai découvert que plusieurs de mes copines ne pouvaient pas envisager qu’un mec puisse avoir envie d’elles si elles n’étaient pas parfaitement épilées ou si elles avaient un bouton au milieu du visage.

Alors que bon, en vrai, maintenant qu’on est des adultes, on sait que le sexe, ça n’a rien à voir avec ça. Et c’est pas Blurp qui va me contredire. 

NB : je ne vous parlerai pas de ma reprise de boulot qui a consisté à regarder Touche pas à mon poste pendant une semaine, le résumé de cette sombre affaire est là. 

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20 juin 2017

Résumé des vacances d’il y a un an

Suite aux réclamations, cris, larmes, chantage au suicide de trois personnes, voici un POST DE BLOG, qualité non garantie.

Problème : comment résumer une année en un post ?

Bah c’est simple, il ne m’est rien arrivé de remarquable. Mais, attention, nuance, j’ai FAIT quelque chose de remarquable. J’ai écrit mon grand oeuvre et que comme il puise largement dans ma vie privée, il a un peu siphonné le blog. En général, ce livre est un parasite qui a bouffé ma vie. Il sort en octobre. Et il est génial. (Oui, je suis toujours maniaco-dépressive.) J’ai choisi le sujet le plus sexy du monde : les tâches ménagères. C’est un essai.

Mais on aura le temps d’en reparler.

Là, comme on est à la veille des vacances de 2017, je peux vous raconter mes vacances de 2016.  En août dernier, on est parti à Stockholm, et ça restera dans les annales familiales comme nos pires vacances tous ensemble. D’ailleurs, c’était les premières. Les premières où on se retrouvait juste tous les quatre. C’est pour ça qu’on s’était dit “on va se payer de belles vacances, on va faire un voyage”. Ah ah ah… Les cons. Faut-il en déduire qu’on ne se supporte pas les uns les autres ? Peut-être. En tout cas, une chose est sûre : comme Curly et Têtard avaient clairement décidé de nous pourrir notre voyage, et qu’ils y ont merveilleusement réussi, j’ai gardé toutes les factures du séjour pour les déduire de leur futur argent de poche, voire exiger un remboursement le jour où ils trouveront un boulot.

En même temps, on avait merdé sur un truc : la location. L’annonce de Air bibi disait deux pièces. Les enfants devaient dormir dans le canapé-lit et nous dans la chambre. La couille, c’est qu’il n’était pas précisé qu’il n’y avait pas de porte entre les deux pièces. (Donc en vrai, ça faisait une pièce, on est d’accord.) Et que donc le canapé était à deux mètres 50 de notre lit. Et comme vous ne le savez peut-être pas, en Suède en août, le soleil ne se couche pas.

PAS DODO.

(En août aussi il y fait un temps de merde. Il a plu tout le temps.)

Autre couille non précisée mais on aurait dû s’en douter parce qu’en général elles vont par deux : la proprio nourrissait un amour démesuré et peut-être légèrement malsain pour… son chien. Au point d’avoir encadré au-dessus de son lit une photo de l’animal.

chien

Comment voulez-vous avoir une vie sexuelle épanouie quand ce truc vous regarde ?

Et aussi l’appartement était minuscule et rond. Vous voyez pas le truc ? En fait, ça veut dire qu’on pouvait en faire le tour en courant jusqu’à l’infini. Entrée, chambre, salon, cuisine, entrée, chambre, salon, cuisine, entrée, chambre, salon, cuisine, entrée, chambre, salon mais putain de bordel de merde vous allez arrêter de courir comme ça !

Vous comprenez mieux ?

A la base, on avait choisi la Suède parce qu’on avait entendu dire qu’ils adoraient les enfants. Et pour supporter les nôtres, il faut vraiment mais alors vraiment aimer les gamins. Quand on avait vu que même sur le site de l’office du tourisme, le premier truc écrit c’était « we are kids-friendly », on s’est dit bingo !

Bah en fait non. Alors certes, on n’a vu aucun parent hurler sur son gamin. 

Sauf qu’on n’a également vu aucun gamin faire des conneries. Alors que les nôtres, ils ont commencé dès l’aéroport.

aeroport

Il faut dire que s’étendre par terre et hurler était à l’époque l’activité favorite de Curly.

sol

 

solé

Donc j’ai été un peu déçue par les Suédois qui regardaient nos enfants du coin de l’œil comme des animaux féroces. Je vous jure que dans le métro, les gens nous jugeaient. Il est vrai que Têtard avait décidé de faire une crise de nerfs à chaque fois qu’il n’avait pas la place qu’il voulait, c’est-à-dire la place dans le sens de la marche, la deuxième en entrant à gauche. Pourquoi cette place-là précisément ? Mais simplement parce que la première fois qu’on a pris le métro à Stockholm, il s’était assis là. (Cet enfant se prépare une vie de douleur et de déception.) Donc les gens nous jugeaient parce que Têtard hurlait. Puis ils nous jugeaient parce qu’on paniquait de ne pas réussir à le calmer.

Ca ne faisait pas six heures qu’on avait atterri, qu’on s’est réuni avec le Chef dans les 3 mètres carrés de la cuisine. Le Chef a dit « ça ne peut pas continuer », j’ai dit « non. Qu’est-ce qu’on fait ? ». Il a dit « j’appelle la compagnie aérienne pour savoir si on peut avancer les billets retour. »

C’était pas possible.

Un jour, sur une île charmante, alors qu’on déjeunait, les deux nains ont crisé à cause d’une guêpe, j’ai attrapé mon verre de vin, je me suis levée, et je suis partie. J’ai marché droit devant moi. Le Chef m’a laissée partir.

Vous connaissez les histoires de parents qui disparaissent brusquement ? Le fameux « je ne comprends pas, il a dit qu’il allait juste acheter des clopes, c’était il y a 22 ans ? »

Et bah j’étais à deux doigts de ça.

J’ai entraperçu la raison pour laquelle la maman de Punky Brewster l’a abandonnée dans un supermarché.

 

Autant dire que je suis rentrée de vacances pas du tout reposée.

J’ai enchaîné avec une maladie de deux mois. Au début, j’avais juste de la fièvre. Mais le jour où je n’ai plus tenu sur mes deux jambes et où conséquemment j’ai commencé à tomber régulièrement, j’ai commencé à paniquer. Alors j’ai vu des médecins et j’ai fait toutes les analyses de sang possibles et imaginables. Ce qui veut dire que j’ai passé beaucoup de temps devant ça : 

tableau

Coucou je suis la maladie qui te ronge. 

C’est le tableau qu’un esprit tordu a jugé bon d’afficher dans la salle d’attente des prises de sang. A priori, si t’es là c’est que t’as peur d’avoir un truc grave (ou alors que t’es enceinte mais c’est un peu pareil). Le quelqu’un en question a dû se dire “on va les rassurer en leur rappelant que la vie est laide et que la quitter ne serait pas bien grave”.

J’ai aussi passé du temps à l’hosto où l’on m’a dit “il y autant de virus que d’êtres vivants sur terre, alors bon, évidemment, on ne peut pas tous les connaître”.

Pas de bol, j’étais tombée sur une espèce inconnue. Donc ça a fini par passer. Après, il a fallu rattraper le retard de taff que cela avait engendré sur mon grand oeuvre. Le livre de ma vie. Le manuscrit dans lequel je mets mon cerveau. Donc j’ai bossé comme une tarée et quand je m’arrêtais c’était pour me dire “et maintenant, la newsletter de Slate”.

Présenté comme ça, ça a l’air d’une vie de merde mais il faut savoir que j’aime beaucoup mon travail. L’erreur a été de me dire “dans deux semaines le manuscrit est bouclé, je bosse à fond, je ne sors pas, je ne vois personne le temps de le finir”. (Et je ne blogue pas non plus.) (Oui, j’en suis à considérer le blog comme mon espace de socialisation. Ne me jugez pas.)

Sauf que ça n’a pas pris deux semaines.

En fait, j’ai toujours pas fini-fini.

Ca fait deux ans.

Par contre, je continue d’être persuadée que j’aurai fini dans 15 jours et que donc ça vaut le coup de renoncer à toute interaction sociale. (Mais cette fois, c’est pour de vrai. Je rends le texte définitif dans quelques jours.) 

Je crois que je déteste écrire des livres. A un moment donné, ça n’en vaut pas le coup.

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27 juin 2016

Aventure dentaire (et dictature)

Tout d’abord, je tiens à remercier ceux qui ont proposé de me financer. C’était très touchant et aimable à vous. J’ai envie de dire que je me suis sentie riche de votre affection mais on n’est pas chez Oprah Winfrey. En tout cas, je garde cette idée dans un coin.

Mes enfants, mes petits amis, c’est Euro. (Attention, ne pas confondre avec Europe.) Et normalement, je ne suis pas disponible en période de mondial et euro footbalistique. Sauf que cette fois-ci, je me fais un peu chier mais tout peut encore s’arranger. En même temps, cette nouvelle manie de ne marquer des buts que dans les cinq dernières minutes…

Mais bref. Si comme moi, certains matches vous donnent envie de vous perdre dans la contemplation de vos cuticules, vous pouvez jouer à Foot ou Porno. Le jeu est simple, vous écoutez ce que disent les commentateurs et vous cherchez à quelle scène de porno ça correspond. Vous pouvez encore améliorer le jeu en y ajoutant des boissons alcoolisées. Si vous êtes le premier à remarquer la phrase porno, hurlez “porno!” et c’est votre compagnon de jeu qui doit boire. (La variante estampillée Ondine, si vous êtes avec des enfants, criez “titre!” pour jouer subtilement entre adultes.)

Exemple avec le match France/Albanie dont les commentaires n’ont cessé de m’évoquer une partouze foireuse. Toutes les phrases suivantes ont été réellement prononcées par les commentateurs.

« Il est essentiel à la finition mais faut qu’il soit bien alimenté » Ok… PORNO

« C’est toujours un peu énervant d’avoir ce type de problème » mais ça arrive à tout le monde

“Il faut qu’on fasse les choses un peu plus proprement côté français » le classique problème de la pénétration anale.

“Ajeti qui fait la couverture” sans doute un équivalent de l’étoile de mer.

“C’est un client ça” l’inévitable arrivée du client/plombier.

« Il en avait deux sur le dos, c’est pas facile » no comment.

“On est obligé de balancer dans la précipitation”. Le réal ne va pas être content.

“Evra passe par-dessus Lila” La fameuse fellation par au-dessus.

“Il ne lui reste plus qu’à terminer » Fin de la fellation.

“Loris avec ses deux poings!!” C’est effectivement beaucoup. Ca ne passera jamais.

“Cette fois il est passé” Aïe.

“Il va falloir forcer un peu là” Mmm…

“C’est très dur psychologiquement pour les Albanais” tu m’étonnes…
Bon, à part chercher du sexe partout, je fais quoi ? Bah je sais pas trop. Je crois que je bosse pas mal. Malheureusement, la newsletter que je fais pour Slate siphonne un peu mes sujets de blog et/ou article. Genre réaction à l’actu, coups de gueule divers et variés, sélection de liens. Pouf, tout ça part dedans.

Alors mathématiquement, pour le blog, il me reste les sujets de milf.

Désolée.

Je pense que jusqu’à présent, j’ai sous-estimé la puissance potentielle du personnage de Curly. Il faut dire aussi qu’il était tellement… chou. Il a une espèce de petite gueule d’ange (blond aux yeux bleus avec les dents écartées). Il est tel l’ancienne Chine : totalement auto-suffisant. Il est tel les Etats-Unis au temps de Monroe : totalement isolationniste. (Alors que Têtard est sensible à la moindre onde négative dans un périmètre de cent mètres autour de lui. Têtard est une sorte d’ONG du sentiment. Il est le Einstein du quotient émotionnel. Pauvre enfant.)  Ce qui se passe autour de Curly, ce n’est pas le problème de Curly du moment que ça n’interfère pas avec sa tranquillité. Et peu de choses interfèrent avec sa tranquillité.

Sauf que voilà, Curly va avoir deux ans. Dans quelques jours.

Et avoir deux ans, c’est expérimenter la puissance d’un dictateur d’Europe de l’Est. C’est génial. Même un gamin qui deviendra plus tard clerc de notaire, il aura vécu, à un moment dans sa vie, le fantasme de l’omnipotence, l’ivresse du pouvoir absolu. (Et comme le cerveau est bien fait, il l’oubliera ensuite pour toujours.) La certitude que tu peux faire plier le monde à ta volonté. Saisir l’univers dans tes toutes petites mains et le froisser comme un papier, le modeler jusqu’à ce qu’il prenne exactement la forme que tu veux. Tu es au centre du système solaire, rien ne peut t’arrêter. Tu n’as pas “du pouvoir”, tu es le pouvoir. Il suffit de plisser ton nez, d’ouvrir la bouche, de remplir tes poumons d’air et de l’expulser d’un grand coup hululant pour que ta volonté soit faite, sur la table comme dans les bras. Tu te souviens vaguement qu’avant, la vie était douce et merdique. T’avais en permanence le nez au niveau de la moquette, tu te rapais la peau en rampant, des mains t’attrapaient, on ne te donnait jamais ce que tu voulais comme tu voulais et t’avais beau hurler, les mains ne comprenaient rien. Les mains étaient nulles.

Et puis tu t’es levé. Tu as dominé le monde. Ta bouche a enfin pu articuler ton message “UN YA-OURT-O-FRUITS”. Six mois que tu leur demandais ce putain de yaourt. Et enfin, ils comprennent. Mieux : ils t’applaudissent. Tu donnes un ordre “doudou!” et les mains non seulement t’exaucent mais te félicitent. Aucun Ceausescu du monde n’était jamais parvenu à ça. Même Adolf il peut aller se fourrer sa tétine profond dans l’anus.

Tu es invincible.

Et dans ta panoplie de demi-dieu, tu as le mot magique. “Non.”

Tu es dans la rue. Tu franchis des rivières, des fleuves, les mains idiotes disent “caniveau” pfff… quelle andouille celle-là. Tu croises des monstres effrayants, certains sont plus grands que toi. Et les mains débiles te disent “n’aie pas peur, il est gentil le chien”. Non mais t’aimerais l’y voir l’autre si elle se retrouvait nez à truffe avec un clébard d’un mètre quatre-vingt de haut. Tu gravis des montagnes, tu les descends. Brusquement, tu ordonnes aux mains “oiture”. Les mains fouillent dans la chose magique appelée sac, et te tendent une petite voiture. Jaune. Tu la prends froidement. Tu la jetes dans la rivière. Puis tu hurles “nooooon” et tu trépignes avec tes petits pieds sur place. “OITURE ROUGEEEE!” Et les mains te donnent enfin la voiture rouge. Tu es content. Satisfait. Tu souris. Tu jettes la voiture rouge dans le caniveau et tu pars en courant. Ta vie est tellement belle.

“Servez-moi un coeur encore chaud de pigeon et je volerai au milieu des Airbus.”

Enfin bon, j’imagine qu’en gros c’est ça.

Et nous, on le regarde avec affection. Tendresse. Chamallow. Donc, l’autre soir, il mangeait tranquille, les yeux rivés sur la tablette diffusant Peppa Pig, le Chef et moi on le couvait d’amour oculaire. Et là, sans qu’on lui parle, sans qu’il lève les yeux de la tablette, il a dit, très simplement, “j’aime pas papa”. Ok. Putain, il est antisémite. Je pose une main réconfortante sur le bras du Chef quand Curly ajoute “J’aime pas maman”. Woooo… “J’aime pas têta.” J’ai eu un frisson d’angoisse. Je sentais déjà les mains des soldats sur mes épaules pour me balancer au fond d’un cachot humide.

“J’aime pas papa. J’aime pas maman. J’aime pas têta. J’aime semoule.”

Bébé Hitler.

Le lendemain soir, la même. Curly me regarde et me dit “j’aime pas maman”. Super. “J’aime tétine.”

Voilà. Il va avoir deux ans. Et on trouve malgré tout qu’il est vraiment trop trop mignon. C’est la créature la plus mignonne du monde. C’est pas vraiment un humain. On dirait une nouvelle race de petits mammifères.

Comme ce post manque cruellement d’image, une vieille photo de Têtard (non identifiable pour ne pas nuire à son avenir professionnel et sexuel). (Curly ne ressemble pas du tout à ça. Si Têtard t’as envie de lui filer un carton de bouquins en lui disant qu’il faut les monter au 6ème, Curly c’est un monsieur important de la IIIème république, il avance avec son gros bide en avant et des petits pas rapides.)

deuxans

Mais bref. Maintenant que le personnage de Curly est un peu plus clair pour vous (pour moi, il reste un mystère) passons à une histoire qui commence dans un nuage de paillettes. Nous (mes entrailles, leurs fruits et moi-même) étions invités à l’anniversaire d’Angelina, aka la fille de Karole Rocher et Thomas N’Gijol. Ouais, on se la pète.

Bon, là, après avoir vérifié que Karole Rocher c’est bien l’actrice géniale de Braquo et Polisse, vous vous demandez quand même “what ?”.

Ok. Je vous explique. J’ai rencontré Karole il y a un an pour un projet de taff. (Qui n’a pas encore abouti. Quand vous venez du web, découvrir la temporalité des autres supports c’est très troublant. Visiblement, ces gens travaillent comme si leur espérance de vie était de 250 ans.) On a passé pas mal de temps enfermées toutes les deux dans un bureau. Et comme souvent quand on m’enferme dans un bureau avec quelqu’un, je suis tombée amoureuse. (J’aurais fait une candidate de télé-réalité tellement parfaite.) Comment vous décrire Karole… Je ne vais pas tourner autour du pot : Karole est géniale. Aucun personnage de fiction ne sera jamais à la hauteur de ce qu’elle est vraiment.

Elle est brillante, mais elle aime bien répéter qu’elle est débile – comme tous les gens à qui le système scolaire a dit qu’ils étaient idiots. Pour vous situer, ça serait un peu la Virginie Despentes des actrices. Et c’est l’anti-actrice. Une fois, j’ai cru avoir enfin trouvé un truc d’actrice dans ses habitudes. Quand elle demande un verre d’eau, c’est toujours “avec une rondelle de citron si possible”. Ah! Bien un truc d’actrice, ça. Quand je lui ai fait remarquer, elle a éclaté de rire “ah non mais c’est parce que c’est anti-vomitif. Sinon, je gerbe pour n’importe quoi. Je peux même vomir de rire.” Comment ne pas aimer une meuf qui vous dit ça ? Hein ?

Bref, je ferai l’apologie complète de Karole une autre fois. (Vous avez remarqué que ce post est déjà beaucoup trop long ?) (En plus, c’est pas comme si j’avais des trucs fascinants à raconter.) (Ma capacité à remplir du vide avec du rien est exceptionnelle.) (Ca devrait être la baseline de ce blog.)

Donc, on arrive chez eux. (Non, je ne vous donnerai pas l’adresse.) (Mais c’est pas un hôtel particulier dans le 6ème.)

KaroleThomas

Mais ils étaient habillés.

Curly passe trente minutes dans les bras de Thomas. (Allez comprendre pourquoi il aime un grand noir inconnu et pas sa propre famille.) Je passe trente minutes à me retenir de demander si je peux prendre une photo. (C’était pour envoyer au Chef.) (J’ai pas osé demander.) Karole, elle est dingue des enfants alors elle n’avait pas fait les choses à moitié. Pour les 24 mois de sa fille, y’avait une piscine avec 800 boules. Tu rajoutais un enfant dedans et t’avais 200 boules multicolores qui débordaient et roulaient par terre. Tu rajoutais Têtard dedans et t’avais 400 boules qui roulaient (il est un peu massif comme enfant).

angelina

 

Angelina dans la piscine à balles.

Bref. On joue, c’est rigolo. Mes enfants me foutent la honte, c’est rigolo. Curly se dresse sur la pointe des pieds pour atteindre la table et écrase ses doigts sur un gâteau en chocolat en concluant “j’aime pas cocolat”. Ce sont des porcs. Ils se sont approchés dix minutes du buffet de bouffe et on aurait dit qu’un troupeau de marcassins avaient mangé et piétinné les restes. Assez vite, j’ai abandonné l’idée de les arrêter et je me suis occupée de faire écran pour que les autres invités ne voient pas l’étendue des dégâts.

Une fois qu’on avait bien ruiné le buffet et la piscine à balles, je dis à Karole qu’on va pas tarder à partir mais elle m’arrête : “ah non! Pas tout de suite! Faut qu’on fasse la pignata”. (Je sais que ça s’écrit pas avec un “g” mais j’ai la flemme de chercher le tilde.)

La pignata. Le mot m’évoquait vaguement un truc cool. Sans doute un alcool.

Et puis elle nous regroupe autour d’un château en carton suspendu à un fil. (Pas un alcool donc la pignata.) Vous connaissez le truc, faut taper dedans avec une batte de base-ball jusqu’à l’exploser. C’était la première fois de ma vie que je voyais en vrai une pignata. Quand j’étais petite, y’avait eu une émission de Disney Parade sur les fêtes à travers le monde et à un moment, on voyait Donald taper dans une pignata. Je m’étais dit que c’était une des choses les plus cools du monde. (J’avais 7 ans, je n’avais jamais bu de vin.) Comme être parent, c’est vivre par procuration, j’ai proposé à Curly de taper dans la pignata. Il a dit “non” parce qu’il était occupé à essayer de voler une voiture Peppa Pig. (“J’aime Peupeu Pi.”)

Les autres enfants n’arrivent pas à exploser le truc, Karole, qui est douceur et patience, finit par déchiqueter la pignata à mains nues. Et tombent du château en lambeaux plein de petits cadeaux pour les invités. Typiquement le genre de merdouilles en plastique que les enfants adorent et que tu retrouves sous le canapé dix-huit ans plus tard.

Je dis alors à Têtard, “on va y aller, mets ton manteau, je vais chercher Curly”. Têtard met son manteau (pour une fois dans sa vie qu’il obéit), et il vient me demander en chuchotant “tu crois que je peux prendre un jouet ?” (N’invite jamais mes gosses chez toi.) Je lui dis oui, que c’est pour les invités. “Tu peux en prendre un ou deux.”

Je suis en train d’arracher la voiture Peppa Pig des mains d’un Curly vociférant (il m’a hurlé “Laaaache Maman! LAAAAAAACHEEEEE!”) et d’un oeil je surveille Têtard. J’assiste alors à une scène totalement pathétique. Mon fils regarde autour de lui, vérifie qu’on ne le voit pas, se baisse pour ramasser des merdouilles. Pas une. Pas deux. Genre cinq ou six, qu’il fourre à toute vitesse dans les toutes petites poches de son tout petit imperméable. Comme ça déborde, il est obligé de garder les mains sur ses poches, puis il se redresse et pars en courant vers la porte pour se tirer.

Sauf qu’entre lui et la porte, il y a cinquante boules multicolores. Je le vois alors sauter par dessus les premières, esquiver le deuxième rang et, alors que je m’apprête à crier “ne cours pas!” il se vautre sur les suivantes.

Vautrage total.

Les mains toujours sur les poches pour ne pas perdre son butin.

Conclusion, il tombe sur les dents. Il se met à hurler, la bouche en sang. Là, je dis le truc le plus con du monde “T’as mal ?” Bah oui grosse conne. “Ai maaaaaaaalllllll”. “T’as mal où ?” “PATOOUUU”. Il hurle tellement que des invités plein de sollicitude viennent le réconforter. Il se retrouve alors dans les bras de Franck Annese. Franck Annese, qui fait partie de ces gens que techniquement je connais pas mais en fait quand même je comprends pas qu’il ne me claque pas la bise vu que moi, je sais très bien qui c’est et qu’on a 50 connaissances communes. Mais bref. J’ai assez vite compris que Têtard n’arrêterait pas de crier. Alors j’ai balancé Ceaucesculy sur mon épaule, hurlant d’amour rageux en tendant la main vers la voiture de Peppa Pig, j’ai attrapé Têtard par la main et on est parti.

Et dans le métro, je me suis rendue compte que mon Têtard avait réussi à ne perdre aucune des merdouilles qu’il avait volées.

Par contre, on a dû lui faire passer une radio des dents. A gauche, ses dents avant. A droite, après. On voit pas bien mais y’en a une qui a tourné/reculé et l’autre qui est descendue.

dentstetard

Du coup, à chaque fois qu’il sourit, j’entends mon coeur qui tombe en miettes.

Chez la dentiste, elle me fait remarquer qu’il y a un an, il était déjà tombé exactement sur la même dent. “Oui, il est très maladroit”. J’avais pas fini ma phrase qu’il a réussi à se vautrer encore la gueule. La dentiste, qui est une amie, m’a regardée avec sollicitude. Je lui demande “du coup, on voulait l’inscrire à un sport mais son père dit que c’est pas possible, c’est trop dangereux avec ses problèmes de coordination, t’en penses quoi ?” Elle allait me répondre mais il se cogne à une table. “Oui, mais sinon, tu as pensé à un psychomotricien pour améliorer sa coordination ?”

PS : le même week-end, Elise vivait un épisode dentaire similaire qu’elle a raconté sous forme de bien belles trouvailles de l’Internet. 

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18 avril 2016

Angoisses diurnes et nocturnes

Bon. C’est sympa les histoires de maman, mais y’a pas que ça dans la vie. Attendez, c’est hyper important pour moi hein. Mais c’est pas ça qui perturbe mon sommeil, qui me maintient les yeux grands ouverts fixés sur les ombres au plafond projetées par la lumière de la tablette sur laquelle je mets compulsivement n’importe quelle chaine diffusant les Experts ou NY Police Judiciaire dans l’espoir de m’abrutir pour m’endormir, stratégie qui selon toute évidence est défaillante puisque tard dans la nuit je continue de fixer ce putain de plafond en me demandant “mais putain… comment je vais faire ?”

Comment je vais faire ? Vous me direz, c’est d’autant plus compliqué de répondre à cette question que je ne sais même pas vraiment ce qu’elle veut dire. C’est comme quand tu répètes un mot tellement de fois qu’il n’a plus de sens. Bah moi, ça me fait ça avec l’existence.  

Je crois que tout a commencé quand j’ai décidé de ne pas écrire de troisième roman. Comme quoi, décider de ne pas faire quelque chose, décider d’un non-acte, ça peut avoir des répercussions. Donc je n’ai plus aucun souvenir de quand c’est arrivé, mais à un moment je sais que je me suis dit “en fait, non, je vais pas écrire ce roman, pas pour le moment, peut-être un jour quand je serai prête mais là non”. Pourtant, j’avais envie. Ou alors j’avais envie d’avoir envie. (Comme la connasse d’adolescente que j’étais et qui écrivais dans son agenda tiret journal intime “je crois que je suis amoureuse de l’amour”.) Bref. Je le sentais pas. Quand j’ai écrit mes deux premiers romans, il y avait à chaque fois une nécessité. Une histoire et un thème et des personnages qui s’imposaient. Qui parlaient. Qui se développaient. Là, y’a un début de truc que je n’aime pas. Des idées pas assez bonnes. Et surtout des personnages qui sonnent faux.

Donc non.

Vous me direz, y’en a qui n’ont pas autant de scrupule. Mais bon.

Mais ça avait sans doute commencé un peu avant – ou alors c’était au même moment, je me souviens plus. Je me suis faite virer. Enfin, non. Ca aurait été trop beau. Je crois que se faire licencier, c’est hyper douloureux. Humiliant. Mais y’a un stade encore plus merdique. Y a le stade où ton employeur ne prend même pas la peine de te virer, il se contente de ne plus répondre à tes messages. C’est ce qui m’est arrivé avec Grazia. J’y bossais depuis le lancement du magazine. J’ai commencé petit, je crois que j’ai fait tous les services, et puis après j’ai eu droit à une page, puis une page signée, puis une chronique signée avec ma photo. J’ai vu défiler les chefs et sous-chefs. Les nouvelles formules. J’ai même connu le placard à Grazia. Le placard, c’est le jour où la nouvelle patronne te dit “en fait, tu sais, la chronique c’est très difficile à faire, ça demande un vrai talent d’écriture, je pense qu’il vaut mieux que tu te recentres sur ton terrain de compétences qui est… et bien… tu sais… trouver des trucs sur internet” et c’est comme ça que j’ai atterri aux news non signées. Mais enfin, j’avais toujours un travail. Ensuite, y a eu le congé maternité, oulalala… ça n’a pas fait du bien ça. Et plus tard, donc, tu es face à la négation même de ton existence. Tu finis par demander des rendez-vous au RH qui ne te répond jamais. T’envoies des recommandés qui n’ont aucune suite. Et puis, tu réalises que tant qu’il existe encore vaguement un droit du travail, tu ferais bien de faire valoir tes droits (parce que l’arnaque là-dedans c’est qu’étant pigiste, les mecs ne me répondent plus pour ne pas me verser les indemnités de licenciement qu’ils me doivent, six ans à bosser là-bas toutes les semaines quand même…). Et donc tu prends une avocate et tu vas aux prud’hommes. J’en suis là.

avocate

Chez mon avocate. 

 

Simultanément j’ai perdu mon emploi à Grazia et je me suis assise sur une avance pour un troisième roman vu que j’ai décidé de ne pas l’écrire.

Et le problème, c’est que pendant mes insomnies, je ne suis pas étendue sur un matelas de billets. Attention. Je ne suis pas à la rue. Franchement, j’ai pas à me plaindre. Mais d’après mes calculs, selon ce qu’il me reste de droits d’auteur, j’ai quelques mois devant moi avant que la question de l’argent ne devienne un sujet d’engueulade très sévère avec mon banquier. Quelques mois pour trouver une solution. Et encore, vu mon statut, ce que je gagne chaque mois peut disparaitre le mois suivant. Salut la précarité. Le résultat, c’est que j’ai pas le droit à l’échec. Je ne peux pas bosser pendant trois ans sur un bouquin et me planter.

Mais j’ai des projets. J’ai même plein d’idées. La difficulté, c’est que mes “envies” ne riment pas nécessairement avec “futurs revenus”. Je n’ai absolument aucune certitude là-dessus. Par exemple, je suis à fond sur un livre. Un essai. Qui me passionne. Je peux bosser dessus une dizaine d’heures d’affilée sans m’en lasser. (A mon échelle, c’est énorme.) Mais c’est un essai sur un sujet vraiment pas, mais alors vraiment pas vendeur ou sexy pour un kopeck. (Spoiler : c’est pas un essai sur le voile ou la décadence de la France.) (Non, je dirai pas ce que c’est pour le moment.) (Vous vous moqueriez de moi.)

Il faut dire que c’est ma faute. C’est ma grande faute. Parce que j’ai décidé, au même moment que tout le reste, d’écrire exactement ce dont j’avais envie. Ca a l’air con quand on le dit comme ça. Mais ça implique une chose claire : j’ai refusé d’essayer de faire optionner mes projets. De vendre une idée et d’être payée pour la développer. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans mon cerveau, je crois que je me suis dit que le meilleur moyen de progresser, en terme de qualité, de réussir à monter une marche super haute, c’était de refuser qu’on me donne la main, de bosser toute seule, face à moi-même, pour réussir à écrire exactement ce que j’avais dans la tête, prendre le temps de regarder les idées grandir, les trier, puis les replanter. Et j’avais la certitude que je devais d’abord faire ça seule. Que c’était le moment ou jamais. (Le meilleur moyen de m’ajouter une pression supplémentaire.) Ce qui implique de m’auto-financer. Sauf que s’auto-financer, ça demande de gagner des sous, et gagner des sous, ça prend du temps, du temps que j’ai en moins pour regarder mes fragiles petits plants d’idées croître.   

lentilles

Je n’en ai pas marre de travailler. Je crois que j’aime bosser. En tout cas, j’aime mon boulot. Mais la nécessité d’inventer des moyens de gagner des sous m’angoisse au plus haut point. 

Enfin. Je ne suis pas à plaindre. Je gagne vachement mieux ma vie qu’avant. J’ai commencé ce blog, je faisais des piges pour un site payées 15 euros. Ouais. 100 balles le papier.

Sauf que franchement, j’ai plus 27 ans. Des pâtes à l’oxygène j’en ai bouffées plus que ma part. Et puis y’a les enfants. Et puis simplement, je vieillis et j’ai envie de confort. Et la charge mentale du stress de savoir : mais avec quoi je vais vivre dans un an, elle m’épuise. Elle me tient éveillée la nuit. Elle me gâche une après-midi coolos avec les enfants, où je cours dans les bras du Chef et je murmure “je suis opppressée là, je suis hyper oppressée, je vais jamais m’en sortir”. (Après, il me tapote le dos en me disant que tout ira bien et je retourne à ma partie de mémory.)  

Je me répète en boucle que je ne travaille pas assez. Je regarde compulsivement le fil twitter de Pénélope Bagieu en me disant “mais pourquoi elle a une vie aussi cool ?”. Je me dis qu’outre le fait qu’elle sait dessiner et pas moi, (et autant vous dire qu’au milieu de mon insomnie, ça devient très vite un détail tout à fait insignifiant) elle a plus bossé plus que moi. Alors je turbine comme une acharnée. Et au bout de trois jours sans me décoller de mon ordi à faire des recherches pour mon essai-pas-sexy-pour-un-kopeck, je me dis que putain, oui, j’ai vachement bien bossé, mais que ça se trouve j’ai taffé pour rien vu que ça n’intéressera personne. Trois jours de boulot sans une thune de rentrée. Sans aucune assurance de rien. Comme quand j’avais 27 ans. Ouais. Ok. Mais j’ai plus 27 ans. (Oui, je tourne un peu en boucle et donc, à mes angoisses, s’ajoute la certitude d’être un gros boulet relou pour mon entourage qui m’écoute, ou du moins m’entend radoter depuis des mois. Et ça m’angoisse encore plus.) (Dans le genre, le Chef m’a dit un truc horrible. “T’es en train de te paralyser à cause du doute.” Non. Je me paralyse à cause de ce putain de système économico-financier de merde.) (Ou alors il a raison. Peut-être qu’en arrière-fond, il y a LA question qui pointe, pas le bout de son nez, je vois plutôt ça comme le sommet d’un oeuf dur qui apparaitrait à l’horizon, un truc blanc, compact et un peu mou, bref LA question : et si ce que j’écris était nul. Encore, une autre, incertitude.) 

J’ai donc vieilli. J’en ai marre de me prendre la tête comme ça. Mais faut aussi dire que le contexte n’aide pas. Parce qu’avant, y’avait l’espoir de pouvoir trouver des piges de plus en plus intéressantes et/ou mieux payées. (En même temps, en partant d’un fortait à 100 balles le papier, c’était pas dur de nourrir un espoir vers un mieux.) Mais la crise, mes amis. La crise de la presse.

 

 

Putain mais comment je vais faire.

 

Mais putain pourquoi je me suis foutue dans cette situation.

 

A moins que ce ne soit : mais putain, qu’est-ce que je vais faire. Si je me plante la tronche, si aucun des projets sur lesquels je bosse ne fonctionne, qu’est-ce que je vais faire. 

En plus, je suis super caractérielle. J’ai pas envie de faire les trucs que j’ai pas envie de faire. Problème de riches me direz-vous. Mais même quand j’avais pas un sou, j’étais déjà comme ça.  

Evidemment, à tourner ces trucs dans tous les sens, les nuits passent vite. Vous pouvez commencer à lire ce texte à partir de n’importe quelle phrase, le finir et revenir au début, ça vous donnera un aperçu de mes nuits.

Ou peut-être que ce n’est pas la thune qui m’angoisse mais seulement la peur de ne plus vivre de ce que j’aime faire. Ouais mais ça revient quand même à un impératif économique. Et blablabla.

En même temps, on est tellement nombreux dans ce cas. Je peux même pas compter le nombre de mes potes qui ont passé le cap des trente ans et qui n’ont aucune idée de ce qu’ils feront dans… allez un an. Ou même six mois. (Feront est à prendre au sens de « comment pour payer son loyer » parce que des idées et des envies, ils en ont à foison.)  

Et je me demande comment je vivais bien ce truc avant. Et je me revois chantonner “moi, j’ai fait le choix de la liberté, peu importe les sacrifices”.

Ouais, bah la liberté, c’est hyper lourd. (Merci Sartre.)  

Putain, j’ai sommeil.

nuit

 

La nuit 

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11 mars 2016

La révolte

Ok, la révolte gronde. Je le vois bien, du haut de mon château, alors que je caresse d’une main distraite la croupe de mon autruche de compagnie, je vous vois vous rassembler pour unir vos forces et me sommer de m’expliquer. Tu ne blogues plus ? Tu veux nous faire croire que c’est à cause de la newsletter de Slate ?

Et bah oui. Les séries de liens cools que je postais avant, je les garde pour la newsletter. Et comme, en plus, je dois écrire un genre d’édito sur mon humeur du moment, il reste que dalle pour le blog. Alors allez la lire cette newsletter! 

L’autre raison de mon néant bloguesque, c’est que je bosse. Je suis über flippée par l’argent. Comme tout le monde. (“salut, moi c’est l’argent, on parle beaucoup de moi mais on me connait mal. Faisons connaissance.”) Comme souvent en cas de flippe, j’ai choisi de me précipiter dans le vide. Quand tu flippes, t’as en gros deux choix : te sécuriser ou te mettre en danger. J’ai choisi la deuxième possibilité en me lançant dans un truc que je ne maitrise pas et pour lequel je ne suis pas payée : j’essaie d’écrire un scénario. Et je galère. o/ Yeah! Give me five! Mais comme ça ne suffisait pas, j’ai aussi commencé un autre projet que je ne maitrise pas et pour lequel je ne suis pas payée non plus : écrire un essai. Et en plus, il faut que je gagne ma croûte de pain et deux quignons pour les enfants. Conséquence : je n’ai pas de vie.

Parce qu’évidemment, si ma vie était une aventure palpitante, j’aurais des choses à vous narrer.

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Ma vie.

 

Prenons cette semaine. Preuves que ma vie ne mérite même pas un post.

1°) J’ai été profilée par Sheba. Ouais. Je reçois du courrier à mon nom d’un fabricant de bouffe de luxe pour chat, avec des échantillons. En soi, c’est déjà un peu troublant. Mais il y a pire : l’état d’excitation que la réception de ce courrier a provoqué en moi. Joie (de la bouffe gratuite) dilemme (je peux pas filer ça à Brice Nane Teinturier sinon elle va découvrir qu’il existe des saveurs délicieuses et elle ne voudrait plus des croquettes de merde que je lui achète), suspicion (mais comment Sheba a-t-il mon nom et mon adresse ? Après enquête c’est Carrefour qui a recoupé mes achats et mon adresse, les petits batards. Le jour où je reçois une lettre directement au nom de Brice Nane Teinturier, je flipperai vraiment.)

2°) J’ai rencontré Caroline de Haas. En plein débat sur la loi travail, je discute avec la meuf qui la première a réagi et lancé le loitravailnonmerci… Et moi, je parle de quoi avec elle hein ? De Grey’s Anatomy. J’ai découvert qu’elle est fan.

3°) Pendant que je galère, Zadie Smith (je vous ai déjà dit de lire ses romans, surtout De la beauté) a fini son scénar qu’elle écrivait avec son mec. Plus je lis de détails dessus, plus je me dis que ça ressemble à un canular. C’est un film de science-fiction, réalisé par Claire Denis avec Robert Pattinson et Patricia Arquette et des musiques de Stuart Staples (le chanteur de Tindersticks). Au point où on en est d’absurdités, j’ai demandé à Google de me traduire le pitch. C’est donc sur :

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Et plus précisément :

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4°) Je suis allée à la Poste. Laissez tomber, vous n’arriverez jamais au dixième de l’excitation permanente qu’est ma vie. Vous voulez même pire ? Je suis allée là-bas pour récupérer un colis honteux. (Récupérer alors que bon, j’étais évidemment chez moi quand le mec est passé.) J’ai commandé des séparateurs de tiroir.

Je sais.

Remettez-vous.

Bref. Je pars à la Poste de Montreuil récup le paquet de mes rêves. Devant moi, un mec de type arabe très bronzé, jean, veste, la trentaine. Il vient chercher une lettre recommandée à son nom. Il file son permis de conduire et attend que la guichetière lui donne.

Elle prend le permis, l’examine et lui dit:

– Ah non, votre permis n’est pas signé. Je ne peux pas vous donner votre lettre.

Le mec croit encore en la vie et la Poste, alors il reste souriant. 

– Pourquoi ? Vous voyez bien, c’est ma photo, mon nom…

– Mais c’est pas signé.

– Et alors ?

– C’est le règlement. C’est pas en règle si c’est pas signé. Je peux pas comparer votre signature si elle n’est pas sur votre permis.

Le mec commence à s’agacer un peu. (Grosse erreur.) Il attrape un stylo.

– Bah si vous préférez, je peux le signer mon permis!

– Ah non! Ca ne compte pas. Ca n’a pas de valeur.

– Mais je comprends pas pourquoi vous faites des complications là! Donnez-moi ma lettre!

– Non monsieur. Ce n’est pas possible.

Le mec qui, en entrant dans le bureau de poste, était un individu normal a failli devenir dingue.

– Mais putain! C’est honteux! Je veux parler au responsable.

– Oui monsieur. Le responsable est au bureau de poste de Bagnolet. Vous pouvez y aller. Moi j’applique le règlement.

Le mec a dû sortir sans sa lettre. Je tends mon papier et mon passeport (signé) à la meuf, elle part chercher mes séparateurs de tiroir. Le mec revient. Son passeport à la main. Je lui fais un sourire de soutien. Et comme je suis hyper courageuse, je lui murmure “moi, je suis d’accord avec vous mais si je le dis trop fort, elle voudra pas me donner mon paquet”. Le mec a souri. (En 1940, j’aurais fait des petits signes de soutien aux familles embarquées par les gendarmes.) La guichetière est revenue. Et je crois qu’elle était déçue de constater qu’il revenait avec des papiers en règle. Quand je suis partie, elle lui disait “mais pourquoi vous nous avez compliqué la vie ?” J’imagine qu’il a sorti une hache pour la décapiter sur place et manger son cervelet.  

En marchant vers chez moi, j’ai réfléchi à cette histoire (dont je savais pertinemment qu’elle constituait le climax de ma journée). D’abord, je n’ai jamais bien saisi l’obsession de notre société pour la signature. (Enfin… “notre société”, je pense surtout que c’est un reste de l’Ancien régime.) Par exemple, pourquoi signer la carte bancaire ? Comme ça quand tu te la fais tirer, t’es sûr que le mec pourra imiter ta signature ? N’importe quel lycéen a exercé ses talents de faussaire. Qu’est-ce que ça fout de signer son permis de conduire ? Ca veut pas dire qu’il est plus authentique pour autant. Je comprends pas. Ensuite, quel était le sens de cette scène ? Ca, c’était plus simple à comprendre : c’était une scène de racisme quotidien. Je veux dire : les deux protagonistes étaient en apparence, en tant cas selon la guichetière, aux antipodes. Elle : une femme, d’un certain âge, blanche. Lui : un homme, jeune, marron. Evidemment que quand une grand-mère blanche se pointe avec son permis de 1947 jamais signé, la guichetière, elle la fait pas chier. Parce qu’elle a confiance. Et cette confiance lui autorise une entorse au sacro-saint règlement. Mais face à ce jeune homme, le règlement doit s’appliquer.

Je me suis dit que putain, si le mec (qui est en règle hein) galère comme ça pour simplement récupérer une lettre, sa vie doit être un enfer.  

5°) Je pourrais certes vous parler de ma progéniture. Curly a 20 mois. Il est extrèmement autonome. Il a des centres d’intérêts clairs et limités. En gros, pour vous résumer, je pense qu’il est mûr pour faire sa demande de RSA, se prendre un studio tout seul, et passer ses journées à mater youtube en bouffant des gâteaux et en bouquinant un peu. (Merde, en fait, j’ai enfanté la réincarnation de Romain Monnery.)

6°) Je voudrais adresser un message de soutien aux hommes. Toutes mes condoléances les mecs. Je suis vraiment désolée pour vous. Je sais à quel point ça va être dur. Mais je vous jure qu’on n’y est pour rien. C’est pas du tout ça qu’on demandait.

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Avec cette affiche que je croise tous les jours dans le métro à Répu, c’est votre légèreté qui s’envole au loin. Aurevoir. Vous entrez à votre tour dans le monde des complexes. Bien sûr, vous pouviez, à titre individuel, vous sentir complexé auparavant. Mais là, le message est clair. Si votre corps n’est pas parfait, il devient dégoûtant. Répugnant. Des poils sur le dos ? = signe de négligence. Alors que franchement, il suffit que vous preniez rendez-vous en institut pour vous en débarrasser. Donc voilà, à votre tour, vous allez découvrir que votre corps n’est pas votre ami. Il est votre ennemi. Il n’est qu’imperfections à effacer, à modifier, à polir. Vous aussi vous allez vous regarder avec dureté dans le miroir, vous allez consacrer du temps à vous améliorer physiquement. Vous allez avoir peur en vous déshabillant qu’elle/il soit déçu(e).

Ca y est, vous y êtes. Des couilles pas rasées ? Des poils sur les épaules ? Bientôt on vous traitera aussi de néo-hippie à la con. (Ouais, on sait tous qu’une meuf qui ne s’épile pas la chatte, c’est une saleté d’altermondialiste attardée.)

Imaginez une seconde cette pub en inversée. Un mec avec le même regard de dégoût devant une meuf aux jambes pas épilées. On serait outrée, choquée. Mais comme vous n’en êtes qu’aux prémisses de cette alinéation messieurs, vous n’y prêtez pas l’attention que vous devriez.

Allez-y, claquer votre thune en crème anti-vergétures. Oui, vous ne le savez pas encore mais vous êtes incroyablement nombreux à avoir des vergétures. Vous ne le savez pas parce que vous n’y prêtez pas attention. Mais ça va venir. Bientôt, vous verrez vos vergétures, vos ongles pourris, vos pores dilatés, vos fesses trop grosses, votre ventre pas assez musclé.  

7°) Je serai à la Gaité lyrique samedi à 15h pour une table ronde. Et bien sûr au salon du livre de Paris, le vendredi 18 mars de 17h30 à 20h, le samedi de 16h à 18h, et le dimanche de 15h à 18h. (Venez me voir parce que ça va être hyper long. 3 heures de désolation le dimanche quand même…)

 

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