12 janvier 2015

Et la santé surtout

Dimanche 4 janvier 2015, 16h, je suis au café Prosper avec Coach. On fait notre traditionnel point de début d’année. Je le félicite pour son nouveau boulot, je lui dis qu’il a de la chance, ça va être excitant. Il me demande comment ça va.

Bah, bof. Je lui explique “je la sens pas cette année 2015. Je sais pas pourquoi mais je te jure que je la sens vraiment pas.” Pourtant, autour de moi, les gens sont plutôt excités (ils pensent naïvement que leur vie va s’améliorer). Je tire comme une tarée sur ma cigarette électronique. “Mais c’est pas grave hein coach. Allez-y, amusez-vous bien, moi en fait, je vais rester à la maison, pas de problème, je passe mon tour, on n’a qu’à se retrouver directement en 2016 et vous me raconterez comment c’était, la vie en 2015”. Le soir, je dîne avec Nora Hamzawi parce qu’on est devenues copines. On est seules dans le restau. Genre vraiment seules, pas un seul client n’en franchira le seuil de toute la soirée. On boit. Rebelote “je t’assure, j’y crois pas à 2015, ça va être de la merde”. On se quitte en se disant qu’on ira faire les soldes ensemble.

En rentrant chez moi, je me dis que c’est vraiment dommage ce pressentiment vu que ça tombe l’année de la parution de mon deuxième roman. (Il sort fin mars.) Je me couche. Je me sens un peu paumée. Et passablement découragée. Le boulot surtout. Mais quand ça va mal à un endroit de ma vie, j’aime bien extrapoler à l’ensemble. Je me dis qu’avant, avec le Chef, c’était compliqué parce qu’on bossait ensemble. Maintenant c’est compliqué parce qu’on ne bosse plus ensemble. (Salut, mon deuxième prénom est “insatisfactionéternelle”.)

Lundi, j’essaie de me bouger le fion. Ok, cette année va être merdique mais je dois quand même tenter de faire des trucs. J’envoie plein de mails pour du travail. Echec total. (Comprendre réponses négatives et/ou pas de réponse.) J’envoie un mail à Coach pour lui raconter “Je t’avais bien dit que ça serait une année de merde”.

Mardi. Rien. Je passe la journée recroquevillée sur mon canapé. Je me sens mal.

Mercredi matin, je suis dans une boutique à Montorgueil pour faire des photos d’identité de Curly. (Me demande pas pourquoi je vais à Montorgueil pour faire ça sachant que j’habite à Montreuil, je n’en ai aucune idée à part que j’aime aller dans des endroits déjà connus et balisés.) Demander à un bébé de 6 mois de rester inexpressif se révèle être un exercice compliqué. Le Chef m’appelle “il y a eu un attentat à Charlie Hebdo”. Je répète à la photographe d’une voix blanche “il y a eu un attentat à Charlie Hebdo”. Elle a dû me regarder bizarrement mais franchement, je m’en souviens pas. Je crois qu’elle a fait “ah…”

Je rentre en catastrophe, le Curly sous le bras.

J’allume I-Télé, BFM, la radio, Twitter, Facebook. A ce moment-là, je ne sais pas que je viens d’emménager symboliquement avec les journalistes d’I-télé et BFM et que je ne vais pas les quitter pendant des jours.

maison

J’envoie un message à Coach “je t’avais bien dit que je la sentais pas cette année”. Il est midi, tout est encore flou. Il y a des morts mais ils n’ont pas de nom, ils n’existent pas vraiment.

Et puis c’est l’avalanche de noms. On écrit tous des “putain… Pas lui… C’est pas possible”.

Si j’étais Buffy, je serais partie en chasse. A la place, j’écris un article parce que c’est le seul truc que je sais à peu près faire. Des gens me répondent pour me dire que ça leur fait un peu de bien de lire au propre la mélasse qu’ils ont dans la tête. Moi, ça me fait un peu de bien qu’ils me disent ça. Mais je continue de chialer à chaque fois, nombreuses, où ma télé me balance la gueule de Cabu ou Charb.

Le lendemain, coïncidence complètement miraculeuse, ma plus vieille amie, qui vit à Harvard, atterrit en France. On se retrouve à Répu, elle penche la tête, pas le temps de me dire bonjour, je recommence à chialer. On fait le tour de la place. Une feuille mal scotchée sur la statue “je préfère mourir debout que vivre à genoux”. Re-pleurs. On part pour Charlie Hebdo. Il n’y a rien à voir. Pas d’immeuble déchiqueté. Rien qu’une rue parisienne banale devant laquelle on est passées des centaines de fois. J’ai acheté des crayons à déposer là-bas. Je me sens toute conne avec mes crayons dans mon sac. J’ose pas les sortir. A la base, je m’étais dit que j’avais besoin de venir sur place. Parce que j’avais besoin de larguer BFM, de sortir de chez moi, de faire un truc. Mais il fallait bien que j’ai un but. Le but, c’était les crayons. Là, on fait la queue pour se recueillir devant l’espèce de mausolée improvisé par les passants. Une fois qu’on est devant, on entend les clicsclicsclics des photographes penchés sur nous. Je pose mes crayons et on s’en va fumer un paquet des clopes à une terrasse.

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Vendredi est cannibalisé par les évènements. Plus de place pour le deuil. Tout devient dingue. On est tous scotchés sur l’actu. Les télés ne diffusent plus les photos de Charb. Je ne pleure plus. Il se trouve que l’après-midi, j’ai un rendez-vous à la con calé depuis longtemps.

Attention, le genre de rendez-vous que ça aurait pu être marrant d’y aller à n’importe quel autre moment de ma vie mais que là, c’est vraiment profondément ridicule.

J’ai rendez-vous pour ma première séance de réflexologie plantaire.

J’arrive en panique parce que je trouvais pas l’adresse, puis je trouvais pas le bouton de la porte, puis je comprenais pas comment on ouvrait la porte. La dame des pieds me dit de m’allonger sur le fauteuil. Je fais l’effort de laisser mon téléphone hors de portée. Elle baisse les lumières et me demande “vous voulez de la musique ?” J’hésite. Je n’ai pas écouté de musique depuis mardi. La musique me parait relever d’un univers qui a disparu. Mais je dis “oui”. Elle me répond “c’est un morceau de harpe celtique”.

Paf. Ca lâche.

Je hurle de rire.

Je ne peux plus m’arrêter. Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Maris et tous les autres sont morts, des journalistes se sont fait tuer en plein Paris, il y a une double prise d’otages à quelques kilomètres, j’ai pas dormi depuis deux nuits, pas mangé depuis deux jours, et là je vais écouter de la harpe celtique en me faisant masser les pieds.

Remarquez, rien que pour ça, ça m’a fait du bien.

Samedi, le deuil reprend. Je suis seule à la maison avec Têtard et Curly et clairement pas en état de m’en occuper. Je crois que depuis trois jours, ils survivent en buvant leur urine. Nadia et Ondine viennent à la maison. On boit du thé en discutant. Nadia est l’ombre d’elle-même. Ondine ne sait plus où elle habite. Elle garde Curly sur les genoux parce que ça la calme. On décide de passer à la vodka. Pendant quelques heures, ça va vachement mieux. (Nonobstant le fait qu’Ondine finit par me dire “mon jean est mouillé” et que je me rappelle que je n’ai pas changé Curly depuis… pfiou… )

Le soir, un ami dont je tairai le nom m’envoie un texto “j’ai une question de tournure de phrase.” (C’est un ami qui a une confiance absolue en ma maitrise de la langue française.) “Ca se dit ‘je n’ai jamais eu autant l’envie de crever que ces derniers jours’ ?”

Pourquoi j’écris tout ça ? Franchement, j’en ai foutrement aucune idée. Surtout que l’état d’esprit général, depuis la marche d’hier, n’est plus à la dépression ni au deuil. Mais j’ai toujours aimé me différencier. Et puis, faut voir que je partais déjà d’assez bas niveau moral. Alors ? Parce qu’ici c’est un peu, vaguement, mon journal de bord. Parce qu’il faut bien qu’il reste une trace. Mais surtout parce qu’une nouvelle semaine commence mais que je n’arrive pas à faire autre chose. Je ne sais juste pas comment faire. Vous me direz, je ne le savais déjà pas le 4 janvier.

Bref. Vous ne m’enlèverez pas de la tête que c’est une année de merde.

honoré-dessin

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19 décembre 2014

Can I live ?!?!

Il fait un peu moche mais on s’en fout parce que ça va être Noël. JOIE. Et aussi parce que j’ai fait un article sur un sujet passionnant : tenter de regarder légalement un film. (J’ai échoué.)

Dirons-nous un jour la vérité ? Etre parent, c’est plein de choses, et parmi elles, en bonne place on trouve : niquer avec en boucle dans la tête le générique des Petits Einsteins. “Là-haut dans – le ciiiiiiiel! Petits Einsteiiiiiiiins!” Ca déconcentre mais l’avantage c’est que je suis à peu près certaine que l’activation de cette musique dans mon cerveau envoie à l’ovule l’ordre de s’auto-détruire sur le champ. Ce qui résout mon problème de contraception.

Et puisqu’on parle “parentalité”. J’ai envie de crier “Can I live ?!?!” à l’instar de Kim Kardashian. Kim K. est une femme fascinante. L’autre jour, elle se prend en photo avec Nord (sa fille, prénommée ainsi parce que Kany Ouest a vraiment un sens de l’humour impayable). Elle poste la photo sur Twitter. La voilà :

selfie-Kim-K


C’est un joli portrait mère/fille. Ok, il manque un truc. Sa fille. Oui, la meuf a cadré la photo de manière à ce qu’on ne voit qu’elle. C’est ce qu’on appelle la maternité décomplexée.

Evidemment, tout le monde s’est foutu de sa gueule parce qu’on vit dans un univers cruel où on ne peut pas rogner ses enfants tranquillou. Mais elle a raison, si les autres sont moches sur la photo, pourquoi ne pas les enlever ? Et comme elle a pas trop aimé qu’on se moque d’elle (Quoi ? Je monopolise 20% de la bande passante mondiale en inondant la terre d’images de moi et les gens s’autorisent à réagir ?), elle a répondu :

can-I-live

 

Et ça, c’est le signe des grands. Quand face à une moquerie, tu réponds un truc qui aggrave encore les choses. « Can I live?!?! » is the new “Consequences will never be the same”. Cette femme me redonne foi en l’Internet et en le mème.

Je sais pas si vous avez suivi les affaires d’agressions sexuelles qui émaillent les journaux US. Il y a évidemment Bill Cosby. Mais, et je l’avais raté, il y a aussi le pasteur-à-la-con de la série-super-à-la-con 7 à la maison.

Lui là:

Stephen-Collins

Il a avoué (suite à des enquêtes policières) avoir eu des “conduites sexuelles inappropriées avec des mineures” (périphrase quand tu nous tiens) mais il l’explique ainsi “je suis une personne imparfaite”. Bah oui, l’agression sexuelle est une forme d’imperfection humaine. Mais il faut préciser : les mineures en question avaient moins de 13 ans (10 ans pour la plus jeune).

EMILE-LOUIS

Bon. Sinon, parlons de choses importantes, parlons du monde. Mais où vas-tu, pauvre monde fou ?! Pourquoi refuses-tu de m’écouter quand je te dis d’arrêter ? Le Monde a fait un nouveau progrès technique (enfin… le monde… ou quelques scientifiques dingos). Le Monde a collé le cerveau d’un ver dans un robot. Ouais. Sachez que le ver a quand même 302 neurones, soit dix de moins que Marie Drucker. Des scientifiques ont soigneusement cartographié chacun de ces neurones et ont transplanté le système dans un lego géant. Il semblerait que le robot a les mêmes comportements que le ver. (Lesquels ? Quels sont les comportements du ver à part se faire écraser ? Vous allez le découvrir.)

En elle-même la vidéo n’est pas passionnante mais il faut comprendre que le Lego-robot n’a pas été programmé. C’est ça, la révolution.

C’est tellement flippant. Vous voyez peut-être un Lego qui se cogne bêtement contre un mur. Je vois la fin du monde.


D’ailleurs, en parlant des scientifiques, les hommes et les trois femmes de la NASA nous ont gratifié de leur petit lipdub.

Le but est de susciter notre intérêt pour Orion. Ca suscite plutôt mon intérêt pour le choix audacieux de la moquette de leurs bureaux.

Puisqu’on est dans l’espace, la meilleure vidéo du système reste celle-là :

 

Sur ce, si on ne se revoit pas d’ici là, joyeux Noël! Au pire, on se croisera pour le Nouvel An, où je ne vais rien faire comme d’hab et donc probablement trainer ici.

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4 décembre 2014

Un peu de sonde et de rien

J’ai été dans l’incapacité de bloguer ces derniers temps essentiellement parce que j’ai passé des heures et des jours sur un article. 32 000 signes. Des citations, des gifs, des extraits de dialogue, sur J’ai re(re)vu l’intégrale de Buffy contre les vampires – cherchez pas, il est pas encore en ligne. Et bein, même avec 32 000 signes (il en faisait plus de 40 000 au début), je suis frustrée. J’ai l’impression de ne pas avoir dit le 5ème de ce que je voulais. Je devrais écrire un livre sur le sujet.

spike-vie

En faisant des recherches sur Buffy, je me suis retrouvée sur le twitter d’Esprits criminels (parce que Nicholas Brendon évidemment), et j’ai vu cet extrait de scénar qui m’a fait rire :

esprits-criminels

Après j’ai aussi fait un article sur Bruno Le Maire qui m’a pris un paquet de temps (parce que lui, quand il écrit un livre, c’est pas 120 pages grosse police). Et comme il n’y a jamais assez de photos de Jacques Chirac :

GEORGES-BENDRIHEM- AFP

J’ai ri en lisant La politique pour tous (Josselin Bordat, Tristan Bertheloot)

pol-1

pol-2

pol-3

Sinon, pas grand chose dans ma vie ces derniers temps. (Euphémisme pour désert total.) Le summum de ce qui m’est arrivé d’un peu foufou récemment c’est ce commentaire reçu sur le post de blog sur la Grèce :

« tu est trop conne vulgaire pas propre a la place du chauffeur je t aurais fais netoyer ta merde ensuite je t aurais laisser derriere car la merde on la laisse derriere soit je suis marocain je vis a athene je vais souvent a paris voir ma famille je bouge pas mal j esper ne jamais rencontré une pouilleuse comme toi »

J’ai aussi découvert l’existence de pilules de caca.

Un soir de profond désoeuvrement, j’ai voulu savoir ce que Google pensait que les gens pensaient. Ca a donné ça :

judaisme

islam

Et j’ai appris qu’il y avait une autre raison que le pur esthétisme pour que les bodys de bébé aient des cols avec des genres d’encoche bizarre. C’est pour pouvoir l’enlever par en bas en cas de fuite excrémentaire. (Plutôt que de le passer par la tête du môme qui se retrouve avec sa merde collée au front.)

Pendant qu’on y est, reparlons une dernière fois de l’accouchement. (D’ailleurs, j’attends toujours des nouvelles de la DRH de la mater où sévit la connasse qui a laissé Curly seul, elle se renseigne sur des éléments et ne manquera pas de me tenir informée d’ici quelques années.) Après la sortie de la mater, il y avait donc eu le rendez-vous chez Denis, mon gynécologue d’amour. Il m’avait dit “cette fois, tu es obligée de faire la rééducation du périnée.” (La fois précédente, j’avais privilégié une approche plus ludique.) (J’avais acheté un coffret de boules de geisha.) Et il m’avait aussi dit “je ne veux pas que tu ailles chez un kiné pour faire une rééducation avec la sonde. Parce que la rééduc avec la sonde, ça ne fonctionne pas. C’est comme faire des abdos avec sport élec.”

Résultat : je suis allée chez une kiné pour faire une rééduc avec une sonde.

En gros, amis novices, je vous explique. Après que la grossesse et le passage de l’enfant également appelé délivrance, vous devez remuscler le périnée. Périnée = une paroi musculaire qui retient certains de vos organes. Et messieurs, apprenez que vous en avez également un. Avec l’âge, il se détend, et comme il retient notamment la vessie, c’est pour ça qu’il existe des pubs pour les couches Téna.

Pour le remuscler, deux choix s’offrent à vous :

– avec une sage-femme. Mais j’en avais un peu marre des sages-femmes (sans offense hein). Et puis, on m’avait raconté qu’elles disaient des trucs comme : “imaginez que votre vagin est un pont-levis que vous devez fermer.”

– avec une kiné spécialisée. J’ai donc opté pour ça. Vu l’importance que j’accorde à mon sexe (primordiale) et mon côté bonne élève, tout devait bien se passer. En plus, Denis s’était planté. Il pensait que la kiné allait me mettre la sonde, balancer le courant, partir et revenir trente minutes plus tard.

“balancer le courant” ? Oui. Exactement ça. Balancer un courant électrique dans l’intérieur de ton sexe. (Je n’aurai pas le mauvais goût de comparer ça à la gégène, vu que là c’est juste extrèmement désagréable.) Le courant contracte les muscles pour que l’organe retrouve sa tonicité d’antan. En fait, ma kiné, que nous appellerons Mlle Périnée, ne me faisait ça que 5 minutes à la fin de la séance.

Le reste du temps, pour être claire : je jouais aux jeux vidéos avec ma chatte. Comme si la sonde était un joystick. Face à toi, un écran qui affiche des figures que tu dois reproduire. Quand tu contractes, ton curseur monte etc.

Rigolo ?

Non. Ca aurait dû m’amuser mais dès le début, ça a été la galère. D’abord, parce que c’est hyper fatigant. Mais il y avait autre chose. A chaque fois que j’allais chez Mlle Périnée, je me sentais nerveuse, irritable, de mauvaise humeur. Bref, ça n’allait pas. J’ai mis quelques semaines à comprendre le problème : je ne supportais plus qu’on touche mon sexe dans un but non sexuel. Un immense ras-le-bol assez violent. Je me forçais parce qu’il le fallait, mais plus je me forçais, plus je me sentais mal. Pendant la grossesse, votre sexe ne vous appartient plus vraiment. Il est palpé, ausculté, trituré. C’est un objet d’étude médicale. (Je me souviens, pendant ma première grossesse, une sage-femme m’avait expliqué qu’elle faisait toujours attention à demander à la patiente son accord avant de lui faire une palpation du col de l’utérus. Evidemment, c’était purement rhétorique comme question. Mais elle avait remarqué que le fait que la patiente dise “oui”, prononce le mot, simplifiait nettement les choses. C’est la seule que j’ai rencontrée qui faisait ça alors que ça coûte rien.) Mais après l’accouchement, au moment où tu penses récupérer l’usage de ton corps, ça se poursuit. Or, c’est mon sexe. Et dans sexe, il y a… et bien il y a sexe. Comme dans sexuel. Comme dans “niquons comme des oufs”. Pas comme dans “médical”, “examen”, “touché vaginal”, “palpation du col”, “frottis”, “introduction d’une sonde”.

Le jour où j’ai compris ça, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai annoncé à Mlle Périnée que c’était fini. Elle ne me reverrait plus. Elle s’en foutait comme d’une guigne mais moi, j’en suis ressortie complètement euphorique.

Et puis j’ai découvert une astuce : le meilleur moyen de remuscler son périnée, c’est d’avoir des orgasmes.

Ce qui m’amène à une autre réflexion : l’impossibilité de nommer le sexe féminin. En fait, tous les noms sonnent faux, il n’y a pas d’entre-deux. Soit c’est médical : vagin, vulve. Soit c’est le retour du XVIIème siècle : berlingot, abricot. Soit c’est infantile : foufoune. (Et je ne mentionne même pas le minou, la minette, la zigounette.) Chatte, moule, fouf ou schneck sont marrants mais pas employables dans n’importe quel contexte. Et je ne parle pas des surnoms que tout un chacune peut employer, ça me met mal à l’aise, au même titre que les mecs qui donnent un surnom à leur bite. Je ne veux pas un surnom, ni un truc poétique, ou marrant, ou ultra vulgaire. Juste un mot. Comme si c’était pas déjà assez compliqué d’être une femme, mais en plus si on ne sait pas comment nommer son sexe, on s’en sortira jamais. (Sexe n’étant pas satisfaisant non plus, ne serait-ce que parce que ça désigne aussi la sexualité et le sexe masculin.)

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17 octobre 2014

L’homme 2014/2015 vu par H&M

Aujourd’hui, parlons de trucs sans aucun lien entre eux parce que la logique et la cohérence c’est so 1910.
Si comme moi, vous prenez le métro, vous avez sans doute vu la nouvelle campagne de pub de H&M. (Mais jamais tu prendras autant le métro que moi la semaine dernière où j’ai fait 6 fois le même trajet en une seule journée.)

On y voit un jeune homme – oh… salut toi… – assez charmant.

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Charmant mais pas hyper viril. Fini le combo grosse barbe + bonnet (RIP Olivier Tesquet et Loic Rechi donc). Cet homme-là n’a pas de poil. Cet homme-là est sensibilité. Ca se voit à son visage doux comme une fleur de lotus.

Ce jeune homme a d’autres caractéristiques. Il est solitaire. Et… OH MON DIEU… Il lit LE JOURNAL. Fucking what ?!

Non seulement il boit son café seul dans un endroit qui met à disposition des journaux, mais il en a même un posé devant lui. Et ne croyez pas que ce soit un détail puisque sur cette autre affiche, il tient son journal d’une poigne ferme.

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Mais ça ne s’arrête pas là. Il pose également devant… attendez un magasin dont la vitrine présente des cahiers. Une papeterie ?? Où on vend aussi des vieux livres visibles sur le comptoir.

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Partant de là, rien d’étonnant à ce qu’il écoute des vinyls. (Sauf que là, vous noterez qu’il est devant la section Rock PQR. Pour les non-initiés, la PQR en journalisme c’est l’acronyme de Presse Quotidienne Régionale. Cette campagne de pub est sponsorisée par le syndicat de la presse écrite.)

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L’homme H&M 2014/2015 dit non aux tablettes, aux smartphones, aux sites d’infos, aux liseuses, aux mp3. Il dit non à la technologie impersonnelle. Il est sensible et fragile. En fait, cet homme est une pâquerette.

Mais gare à toi, petite pâquerette des bois, parce que H&M te prépare une surprise. Pour eux, ta compagne, ton alter ego féminin, ce n’est pas exactement une héroïne romantique, c’est ça. (Dire d’une voix caverneuse de bande-annonce de film américain : « c’est CA ».) (Elle a problème de céphalie liée aux courbes de l’affichage dans le métro.)

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Elle, elle est pas prête d’ouvrir un livre. Je vous le dis tout de suite. Elle, ce qu’elle veut, c’est du CUL. D’ailleurs, elle est tellement obsédée par la bite qu’elle a oublié de manger autre chose depuis 20 jours. Il est clair que cette créature se nourrit exclusivement de foutre. Elle est droguée au liquide séminal. Je ne dis pas ça rapport à sa mini-jupe. (Surtout que j’ai la même, mais en noir parce que ça fait encore plus pute). Je dis ça à cause de :

a/ son regard vitreux. Je présume que dans l’esprit du pubard, « vitreux » est plus ou moins = à « sensuel ».

b/ sa posture. Jambes écartées, adossée au mur, elle attend sa proie. Qui pourrait bien être le jeune homme romantique qui lit des livres.

C’est un joli renversement des rôles. Du coup, d’une situation sexiste débile on passe, magie de la publicité, à une situation sexiste débile. Avec une décérébrée qui pense avec sa chatte et un pur-esprit éthéré.

Maintenant que je vous ai bien appâtés avec une mini-jupe en plastique et du foutre, parlons littérature.

Je ne sais plus comment, je suis tombée sur une interview assez rare de Céline sur le site de l’Express. Au début, j’ai pensé « wahou… C’est vraiment méga exclusif ». Après, j’ai compris qu’ils avaient juste mis en ligne un entretien de 1957. Mais ça vaut son pesant (d’or ou de merde, selon votre jugement personnel sur Louis-Ferdinand). D’abord, l’intro du papier :

« Céline. Pour les moins de trente ans, rien. Pour les plus de trente ans, un monument souillé de boue, l’auteur d’un chef-d’oeuvre que l’on fit l’erreur de prendre pour l’expression d’une révolte: « Voyage au bout de la nuit ». Ce n’était que l’explosion d’un dégoût de l’homme, ce gros cochon qui se vautre et qu’il faut dresser, dresser, L’armée allemande s’y entendait. Elle eut droit à toute sa considération.

L.-F. Céline a parlé devant nous « pour que Gallimard me donne une avance ».

Ses réponses – ou plutôt son monologue – éclairent crûment les mécanismes mentaux de ceux qui, à son image, ont choisi de mépriser l’homme. L’aveu de son formidable échec, la pitié que peut aujourd’hui inspirer cette face, presque impersonnelle à force d’avoir été dénudée par l’existence, ne doivent ni ne peuvent faire oublier que d’autres rêvent de cette victoire sur l’esprit que l’on nomme fascisme. »

Donc en 1957, les moins de 30 ans n’avaient jamais entendu parlé de Céline ?! (En même temps, Luchini est né en 1951.) (Au fait, que vous aimiez ou pas Céline, il faut aller voir Luchini lire le Voyage. Au moins une fois dans sa vie.)

Bref. Céline, pour ou contre, c’est quand même juste l’un des plus grands écrivains français. Du coup, c’est intéressant de voir comment le journaliste éprouve le besoin de prendre ses distances avec lui. J’imagine la conf de rédac : « Qui veut rencontrer Céline pour parler littérature avec lui ? Michel ?

– Oh non putain… Pas moi. Merci la corvée. »

Et pourtant, cet entretien est fascinant. Et beaucoup de choses sont d’actualité. Morceaux choisis :

« La grosse illusion du monde moderne, c’est de demander à l’homme d’être à chaque fois un Lavoisier ou un Pasteur, de tout faire basculer d’un coup. Il ne peut pas! Un type qui trouve un petit quelque chose de nouveau, c’est déjà beaucoup, il est déjà fatigué. Il en a pour la vie. On parle de « messages ». Je n’envoie pas des messages au monde. L’Encyclopédie est énorme, c’est rempli de messages. Il n’y a rien de plus vulgaire, il y en a des kilomètres et des tonnes. » 

« Quand vous n’avez pas atteint la mercière, vous n’avez pas atteint les grands tirages. La mercière va acheter M. Daninos, va acheter Mme Delly. Tout cela, ça existe, c’est l’histoire, la bonne histoire. En un mot, c’est la série noire, c’est le fait divers que vous avez chez vous très bien fait, un peu brodé. Ça, ça intéresse le public. Le public s’intéresse à la voiture, à l’alcool et aux vacances. Nous sommes champions du monde d’alcoolisme, nous buvons 1.200 milliards d’alcool par an. Il n’y a pas de consommation supérieure. De ce côté-là, nous tenons. Et puis il y a la voiture. Chaque Français aura bientôt sa voiture. Et le cinéma fait le reste. On apprend à vivre au cinéma. Et puis vos journaux instruisent sur la vie. Aujourd’hui on ne va pas lire Balzac pour apprendre ce que c’est qu’un médecin de campagne ou un avare. On trouve ça dans vos journaux, dans les hebdomadaires. Les jeunes filles apprennent la vie dans les hebdomadaires et au cinéma. Alors, qu’est ce que vient foutre un livre? Avant on y apprenait la vie, dans un livre. C’est pourquoi on empêchait les jeunes filles de lire les romans. Les maris surveillaient les lectures de leurs femmes. Mais maintenant les bonnes histoires, il y en a plein dans les journaux: sur l’infirmerie spéciale du dépôt, sur l’asile d’aliénés, n’importe quel canard bien fait en contient mille. Ça ne présente aucun intérêt pour la littérature, c’est le sujet. »

En fait, je pourrais recopier l’intégralité de l’interview. Allez donc la lire.

Et puis, tenez, cette interview dont je ne me lasse pas (la voix, le vocabulaire, le débit)

Et la revoyant, je lui trouve physiquement un air de ressemblance avec Houebellecq. Houebellecq version 2014 hein. Parce que je suis aussi tombée sur cette interview de Houellebecq chez Ardisson. Un Houellebecq jeune, frais, bronzé et disons-le : mignon. Méconnaissable. Merde, on peut pas l’intégrer. Bon, elle est ICI. 

houellebecq-jeune

Sinon, pour occuper votre week-end, vous pouvez aussi aller regarder et lire cet article sur les chevaliers où l’on apprend que l’idée que leurs armures les empêchaient de bouger est totalement fausse, ou Comment on se battait vraiment au Moyen-Age.  

Et si vous avez un chat, vous serez sans doute séduit par l’un de ces incroyables produits. 

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2 octobre 2014

J’aime mon pyjama

Aujourd’hui, nous sommes le 2 octobre, un jour sombre pour tous les free-lances. Le jour où le reste de la France peut enfin déclarer sa flamme à son entreprise. Et oui, aujourd’hui, c’est le jour de l’opération J’AIME MA BOITE. Ma copine Diane s’était livrée à une époustouflante analyse de ce phénomène (impossible de retrouver le lien sur le site des Inrocks alors je mets celui-là, on s’en fout).

Cette fête vise clairement à ostraciser tous ceux qui travaillent seuls de chez eux. C’est pourquoi, cette année, je propose de lancer l’opé :

pyjama

 

 

9h : choix de sa tenue. Certes, on bosse en pyjama mais on travaille pas les pieds nus. Tous les matins, le free-lance doit choisir une paire de chaussettes adéquates.

chaussettes

9h15 : arrivée à la machine à café. Discussion imaginaire avec Augustin Trapenard.

cafe

9h30 : conf de rédac

conf

(Et m’emmerdez pas parce que j’ai un mac hein.)

11h : brainstorming sur mes articles en cours

reflexion

13h : pause déjeuner

dej

15h : aparté avec ma patronne et son gros cul

patronne

16h : moment convivial d’échange avec mes collègues imaginaires, (ici, Stéphanie)

collegue

Cette photo permet d’ailleurs de répondre à une question que plusieurs d’entre vous m’ont posée après mon dernier post : « pourquoi t’habites là ? » Parce que le square est pourrave mais j’ai une terrasse de batard (et un bureau séparé du reste de l’appart).

En cette journée J’M mon pyjama, je souhaite douceur et tendresse à tous les free-lances de France. Et n’oubliez pas, who runs the world ? Who’s the boss ? Free-lance women.

boss

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