17 juin 2009

Guide des chiottes n°9

Quand on se retrouve à Pigalle et qu’on est dans l’obligation d’aller boire un verre – au hasard en attendant un concert – nombreux sont ceux qui ont le même réflexe : la Fourmi. Et ben c’est une très grave erreur.
Et c’est là que se confirme l’hypothèse selon laquelle les toilettes d’un bar en disent long sur l’état d’esprit du lieu (hein, ouais, les lieux ont des esprits de même que ma grand-mère était donc un slow loris – Karamazov, aucun rapport, fils unique).
Par exemple, à la Fourmi, sur la porte des chiottes d’aisance, on peut voir ça :

Arrêtons-nous quelques minutes sur ce que révèle ce message. D’abord, la Fourmi a un problème d’ordre technique. Bon… c’est pas très rassurant mais ça peut arriver partout. L’essentiel est qu’ils réparent la porte. Beaucoup plus révélatrice est la phrase : « On viendra pas vous chercher!! » Forcément, au premier abord, on se dit qu’il s’agit d’une innocente boutade. Que nenni mes amis ! Pour ma part, je suis convaincue qu’il faut prendre cet avertissement au pied de la lettre. Il suffit de voir le pas trainant et triste des serveurs (métaphore filée du « pied ») mais tellement triste mais triste à faire pleurer les pierres, vous imaginez même pas, bref ça suffit pour comprendre que descendre vous sauver constituerait un putain d’effort pour eux. A part peut-être le serveur mâle qui parait plus énergique que ses collègues. Que ce café soit situé rue des Martyrs me semble assez prophétique. Les serveurs de la Fourmi ne sont pas désagréables. Juste ils portent sur leur visage les stigmates du mal du siècle, de la fatigue de vivre, et dans leurs regards qui survolent la salle du café on peut lire précisément ceci :
« Alors s’assit sur un monde en ruine une jeunesse soucieuse. […] Il leur restait donc le présent, l’esprit du siècle, ange du crépuscule, qui n’est ni la nuit ni le jour ; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d’ossements, serré dans le manteau des égoïstes, et grelottant d’un froid terrible. L’angoisse de la mort leur entra dans l’âme à la vue de ce spectre moitié momie et moitié foetus. » (in Confession d’un enfant du siècle, chap. 2, Alfred de Musset).
Le sac de chaux plein d’ossements c’est la Fourmi. (HAN… Punaise… Je viens juste de comprendre pourquoi ça s’appelait la Fourmi… Dingue.) D’une certaine manière, c’est mélancolique, c’est désespéré mais c’est beau. C’est peut-être le dernier café où l’âme du romantisme reste aussi vivace.
D’ordinaire, je suis excessivement compréhensive avec les gens qui font la gueule au boulot parce que travailler c’est nul et que je ne vois pas pourquoi, déjà qu’on se fait chier, on devrait en plus feindre l’extase. Ce qui m’attriste vraiment à la Fourmi c’est de constater que les serveurs entre eux font la gueule. Je ne dis pas qu’ils se font la gueule. Juste qu’ils se croisent sans un sourire, qu’ils se tiennent debout l’un à côté de l’autre sans échanger un mot.
Du coup, vous me direz, ça crée une certaine homogénité du genre « la vie est un fardeau dont je n’ose me défaire ».
Rajoutez-y que l’autre jour, il pleuvait des trombes d’eau et qu’ils ont eu la bonne idée de passer des chants grégoriens…

Notez au passage l’autocollant « essuie-toi.com » MAIS ne vous excitez pas. En réalité, c’est un groupe de musique « jolie chérie » qui est en train de réinventer un truc entre le coup marketing et la comm virale. L’idée était plutôt pas mal mais c’était sans tenir compte de l’immense déception des gens qui, comme moi, sont allés taper « www.essuie-toi.com » et qui sont tombés sur le banal myspace d’un groupe de zique à savoir le truc que, par essence, on évite comme la peste quand on a un compte myspace.
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3 commentaires pour “Guide des chiottes n°9”

  • Une histoire dans les chiottes visitées par Titou
    Chapitre 9 : La blogueuse

    « Cher blogueur, j’ouvre ce blog dans l’espoir que quelqu’un portera secours à ma tendre personne qui telle une princesse de conte ou de compte (lol, je travaille en compta) se retrouve enfermée dans cette cellule improvisée de la Fourmi. Ayant investi l’ambiance de la salle, je me suis zombifiée et ne pouvant plus tenir, je dus par la seule force de mes jambes aller aux toilettes. Mon cerveau devenu amorphe, lut la pancarte, mais ne pouvait douter de la véracité des propos. Alors, je m’installe m’exécute et m’apprête à sortir lorsque OMG la porte est verrouillée et je ne peux la déverrouiller.
    De H0 à H1 : instant de panique et de rage, je me lève et me mets en cognant de toute la force de mes petits poings (bracelet de taille 13 cm déployé pour info pour mon prince charmant) mais l’énergie est telle qu’au bout d’une heure (on en fait des choses en une heure ;-o) j’abandonne, épuisée, reposant mon cute séant sur le trône de la princesse éplorée. Je ne sais si ce sont mes cris qui les ont obligés par pudeur à augmenter le volume de la musique si déprimante, ou simplement l’envie de faire fuir les gens, mais toujours est-il que je sens que je vais en baver.
    De H1 à H2 : la fatigue et la gorge sèche ayant eu raison de mes derniers cris, si harmonieux en tant normal, je me résous à mon sort. Silencieuse (ouaihein je peux être silencieuse) je prends alors mon i-phone 5 GS 3Tb et me rappelle que mon connard de paternel n’a pas été foutu de me remettre du forfait call dessus. Ouaich, il est vraiment craignos de me limiter à deux cents e. Ceci dit, ce fut une excellente idée (je suis pleine d’imprévus et source de surprise) car mon accès au net est full illimited.
    De H2 à H3 : j’écris mon blog mais en wifi c’est pas trop le top.
    Alors mon bon Prince, j’attends de tes news ASAP et tu seras récompensé.
    XOXOXO »

    « Cher blogueur, je reprends mon blog passe ke là ça craint veugra. Une seule visite avec un commentaire genre « envoie une tof et on envoie un cérurié ». Y’en a qui sont graves, comment il veut que je mette une tof sur mon blog, primo j’ai pas de photographe sous la main, secundo, il fait trop sombre et deuxio, le WIFI il rame.
    De H3 à H4 : je suis donc le statut et le nombre de connexions. Pas terrible. On devrait quand même se soucier de moi, parce que je le vaux bien ;-)
    De H4 à H5 : la musique s’est arrêtée. Ma déshydratation me fait tendre la peau, heureusement que mon rouge à lèvre Pink me permet de garder mes lèvres humides. De mon côté, j’imagine tous ces gens souriants rentrant chez eux, ou ivres et se faisant raccompagnés. J’espère qu’ils auront été cambriolés ou que leur chauffeur sera encore plus ivre qu’eux.
    De H5 à H6 : je tambourine à la porte dans l’espoir qu’un de ces esclaves du nettoyage ou une boniche m’entende. Rien. La fatigue m’étreint et je reprends mon blog. »

    « Cher Blogueur, dormir dans des WC c’est dur. Non pas juste parce que le sol est dur mais parce que pour s’étendre et pour déployer mon mètre 75 taille mannequin, 85D, c’est dur.
    De H6 à H10 : Oui, je ne dors qu’à moitié, réveillée par des couinements (hiiii des souris) qui m’ont fait mettre mon sac Vuitton au niveau de la porte et boucher le reste avec mes serviettes. Je suis ensuite réveillée par ces rêves où je vois les serveurs changés en zombis m’ouvrir la porte et se ruer sur moi pour abuser avec leurs chairs putrides de mon splendide corps avant de commencer à me dévorer.
    De H10 à H14 : Je crois que c’est le manque. Je me suis réveillée en sueur et j’ai senti mon cerveau comme s’il vibrait, mon corps a commencé alors à avoir des spasmes puis des crampes. Je ne vais tout de même pas boire cette eau ! ! ! ! ! J’ai compris la sensation de manque quand mes doigts se sont mis à bouger tout seul sur une télécommande virtuelle. Je cherchais mes émissions… Mon corps a subi cet étrange rite de passage par la douleur mais au bout de 4H de résistance forcée, je crois bien qu’il a décidé que rien ne pourrait y faire et il a jeté l’éponge. Je suis fière de l’intelligence de mon corps et de sa capacité à comprendre la situation. Mais promis bébé, dès que je sors, on matte la TV.
    De H14 à H18 : assise de nouveau, je peux réfléchir. Etrange sensation que de poser les choses et d’essayer de les assembler pour qu’elles aient un sens, un sens autre que la facilité que chaque situation propose. Je me laisse aller dans cette sphère troublante percutante mais finalement si valorisante. Peut-être que les Français devraient prendre le temps de penser.
    De H18 à H19 : oui, je mets plein de mot clé bateau du net dans les tags pour avoir plus d’affluence sur ce blog »

    « Cher blogueur, à H23, j’étais sauvée !
    Ce n’est pas le prince charmant des contes, mais il m’a paru si … sauveur que je me suis ruée avec le peu de force qu’il me restait vers lui.
    Je suis à H30 à l’hôpital où on me réhydrate mais pas par la bouche, par les veines !
    Je vous laisse et laisse ce mot à mon sauveur : Muam, je te dévore ! Il comprendra ;-) »

    le 13 novembre, 2010 à 16 h 43 min
     
  • Belle référence à La Cité de la peur :)

    le 27 juillet, 2012 à 19 h 58 min
     
  • Mieux qu’Essuie-toi.com : http://www.jefaiscaca.com/, un site pour « comprendre son caca ».
    Bien à vous

    le 11 janvier, 2013 à 2 h 40 min
     

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