26 janvier 2015

L’année de 5ème

A l’approche de mon anniversaire, j’avais décidé de bien me foutre les boules.

N.B : Si vous aviez un peu de respect pour moi, vous allez le perdre.

Donc, je me suis mis en tête de trier mes cassettes. Mes K7 audios. Ouais. Pour bien me rappeler que je suis vieille et ridée. Alors bon, j’ai enfin balourdé mes dizaines de compils enregistrées à la radio sans le début de la chanson mais avec le jingle de l’émission à la fin et qui avaient survécu à chacun de mes nombreux déménagements. Ca m’a permis de me rappeler certaines chansons injustement tombées dans les oubliettes de nos mémoires numériques :

J’ai aussi retrouvé une interview que j’avais faite de John-David et Cyril à leur sortie de Secret Story, entretien ponctué de « mais ça, tu le mets pas dans ton article hein ». Et je vous vends des cassettes de répétitions inédites du groupe Stuck in the Sound.

Mais surtout, je me suis infligée la torture de réécouter plus d’une heure de discussion entre ma meilleure amie et moi au collège. On est en 5ème. On se fait chier.

gueule

On décide de s’enregistrer en train de dire de la merde. Rétrospectivement, c’était une bonne idée. Ca m’a permis de découvrir quelle infâme petite connasse j’étais.

thanks

J’ai envie de me donner des coups de doc martens dans la gueule. Pourquoi les ados ont-ils des inflexions de voix insupportables ? Mais j’ai quand même été assez étonnée par plusieurs trucs. D’abord, j’ai toujours dit que la 5ème était le pire moment de la Vie. Une théorie que j’aime particulièrement exposer aux enfants finissant leur classe de sixième. « La cinquième ? Oh bah tu sais… C’est un peu comme si une main griffue t’attrapait, de transportait au-delà de la vie pour te déposer dans un des cercles de l’enfer. » Pourtant, en nous écoutant, on n’avait pas l’air trop malheureuses. Ensuite, notre vocabulaire. On se traite de pute, de salope, de trainée. Il ne manque que les “sa race” pour qu’on soit au goût du jour. On passe évidemment 60% de notre temps à se vanner. Mais sinon, à quoi rêvent les filles de 12 ans ? Au sexe. On est extraordinairement obsédées par le cul.

hormones

 

Vous me direz, à cet âge-là, c’est logique. Sauf que je ne me rappelais pas que c’était aussi assumé et décomplexé. On n’avait clairement rien à envier aux mecs. On a des échanges poétiques du type : “Je vais chier dans mon froc, je vais aux chiottes. – Ca a du mal à sortir ? C’est trop gros ? T’as besoin d’aide ?” Comme tous les gamins de 12/13 ans, on rencontre aussi quelques soucis de structures syntaxiques. En résumé, on parle lourd, comme dans la phrase : “Si on s’est habillées en pute c’est pour montrer tout le contraire de toi.” (Alors qu’il aurait fallu dire « si on s’est habillées en pute c’est parce qu’on trouve ça trop cool. ») Quand je pense que quelques années auparavant, on s’habillait en princesse.

copines-1

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(Ouais, j’ai eu la chance de fêter mon anniversaire pile au moment où j’avais plus de dent devant.)

Mais donc, en 5ème, on était connes mais on se marrait bien.


 

“tapés à la machine à écrire”.

BAM PRENDS 50 ANS DANS TA FACE

A un moment, je dis “j’ai eu les félicitations et comme ça n’arrivera plus dans ce siècle, je préfère le dire pour pas oublier parce que je perds la mémoire parce que j’ai un cancer”. Salut, j’ai 12 ans et je parle de cancer. Ok meuf… Et en même temps, j’ai eu une petite nostalgie pour ces aprèms passer à raconter de la merde à l’infini, à rigoler comme on ne le fait plus. Même à cet âge de mini-poufiasserie, on avait gardé ce truc de l’enfance de n’avoir aucun filtre entre nous, d’oser se ridiculiser, d’enchaîner des mots les uns après les autres sans que la discussion n’ait de sens, ni de direction. (En même temps, quand on a joué ensemble aux petits poneys, on n’a plus vraiment de pudeur à avoir.) On ne parlait que sous forme de vanne, de références au cul et de répliques de films ou de sketches. En définitive, on n’avait rien à dire mais on s’en foutait. On sortait fraichement de l’enfance et pour nous, parler revenait à jouer.

sauvé

Les 40% du temps restant (après les vannes et le cul) était consacré à quelque chose qui n’existe plus. Attention :

CHERCHER L’AIR D’UNE CHANSON. Et oui. Qui fait encore ça de nos jours ? A l’époque, on n’avait pas internet. Si tu retrouvais pas l’air, t’étais NIQUEE. D’où l’interêt d’avoir des amis qui pouvaient faire office de jukebox ambulants. C’est aussi pour ça qu’on chantait tout le temps, parce que sinon, y’avait pas de musique. On pouvait pas mettre un morceau très fort sur son téléphone portable pour en faire profiter tout le monde. (Et le baladeur n’était pas dans nos moyens.) (Les CD non plus.)

On remarquera un problème annexe : la maitrise des langues étrangères. Ce qui est largement confirmé par cet autre extrait

 – Y’a ta mother à côté. In front of you.

– Devant moi. Ca veut dire ça in front of ?

– Bon bah alors next door.

– C’est la porte prochaine. La prochaine porte.

– Non, next door ça veut dire à côté.

– Quoi ? C’est next to!

Voilà. Rétrospectivement, je me demande ce qu’on a branlé pendant toutes nos heures de cours d’anglais. (Enfin, je me souviens qu’à notre décharge notre prof en 6ème était dotée du postérieur le plus large du monde. Elle devait se mettre de biais pour franchir la porte. Donc je crois qu’on passait l’heure dans la contemplation fascinée de son cul.) Précisons que nous étions de bonnes élèves dans de très bonnes classes dans un lycée parisien pas trop mal. La connasse hystérique qui se fout de sa copine c’est moi, la meuf qui traduit “next door” par “la porte prochaine”… Mon dieu… L’adolescence… C’est vraiment dommage que TF1 n’ait pas diffusé Beverly Hills en VO, je suis convaincue que j’aurais fini bilingue.

Ce qui est assez marrant c’est que je n’avais plus de nouvelle d’Albane depuis plusieurs années et justement, le jour de mon anniversaire, elle m’a recontactée. On va aller se boire un pot toutes les deux. Mais bon, je pense qu’on passera plus de temps à parler marques de couches qu’à faire des covers honteuses de Patricia Kaas.

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Les deux mini-meufs qui zyeutent avec envie le gâteau de l’autre…

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20 commentaires pour “L’année de 5ème”

  • Merci Titiou, je me sens moins seule.
    La 5ème est le dernier cercle de l’enfer sur terre et je ne voudrais pour rien au monde y retourner.

    Merci encore de mettre des mots sur nos pensées.
    Au plaisir :)

    le 26 janvier, 2015 à 16 h 31 min
     
  • Sophie B. Hawkins… Faut bien avoir de la m…e dans la tête pour la ressortir celle-là. Mais c’était finalement de la bonne daube.

    le 26 janvier, 2015 à 16 h 41 min
     
  • Good job !

    Bien joué. Comme quoi ça sert de tout garder. Un document exceptionnel.

    Keep up the good work.
    Michel

    le 26 janvier, 2015 à 16 h 49 min
     
  • C’est marrant que tu mentionnes à la fois le « Damn I Wish I Was You Lover » de Sophie B. Hawkins et illustres le post avec des GIF de Brenda, car il se trouve que cette chanson est le « love theme » de la relation entre Kelly et Dylan pendant le fameux été 1992 durant lequel Brenda et Donna était à Paris.

    le 26 janvier, 2015 à 17 h 13 min
     
  • Merciii ! Pour ce billet qui rappelle quelques bons souvenirs d’une période que j’ai moi-même présentée aux 6e l’année dernière en leur disant « bon, je ne vous le cache pas, ça ne va pas être une période marrante. Du tout. » :D

    le 26 janvier, 2015 à 18 h 45 min
     
  • Mes parents avaient un caméscope, j’ai fait la même chose mais en VIDEO (youtubeuse avant l’heure)

    le 26 janvier, 2015 à 18 h 46 min
     
  • DAMN
    i wishe i was yooour loooooooooOOOOOOooooveur

    le 26 janvier, 2015 à 19 h 04 min
     
  • Rho. Bah putain. (Et merci)

    le 26 janvier, 2015 à 19 h 51 min
     
  • J’ai regardé une vidéo TED récemment et il parait que les gens qui sourient à pleines dents (ou sans dents dans ton cas) sur les photos quand ils étaient enfant ont plus de chances de ne PAS divorcer.
    J’espère que cette information illuminera ce mois de janvier sombre et morose!

    le 26 janvier, 2015 à 21 h 20 min
     
  • :)

    J’en avais quelques unes aussi :)

    C’est marrant, parce qu’en parcourant ton texte, je me disais que cet espace où cohabitaient blagues foireuses, conneries, délires honteux ou grotesques, trucs inutiles donc essentiels, plaisir du n’importe quoi juste parce que c’est rigolo, si je devais trouver un équivalent actuellement, ça serait 4Chan.

    Tu comprendras surement l’idée et pourquoi ça me semble essentiel, que ce truc existe.

    Parce qu’une partie de l’esprit de ces après midi avec un copain/une copine survit dans l’absurdité nécessaire de cet espace étonnement structuré pour qui veut bien s’y pencher.

    En grandissant ce genre de rapports manque un peu comme tu dis, mais au final ça me fait sourire parce que ça survit dans un coin de nous, cette partie petit con/sale peste.

    Tes deux derniers posts m’ont fait sourire, et je t’en remercie.

    Prends soin de toi, Titiou.

    01

    le 26 janvier, 2015 à 23 h 27 min
     
  • Et tu n’as pas encore 40 ans!

    le 27 janvier, 2015 à 11 h 11 min
     
  • Regarder sa vie ado, c’est dur. L’adolescence, c’est dur. C’est vraiment une période qui ne sert à rien (perso, j’avais décrété que l’adolescence, ce n’était pas fait pour moi, j’ai donc mis mon cerveau et même ma vie en veille pendant 3 ans et demi, dédaignant le collège et toutes les personnes qui y étaient).
    Ce qui est terrible, c’est que les ados d’aujourd’hui ont tout consigné sur le web. Et que le web n’oubliera pas. Dans quelques années, ma nièce se mordra les doigts de tous les commentaires de ses super meilleures amies de la mort sur ses photos FB, à base de « T’es trop belle!!!! » (ce à quoi elle répondait « Ah, mais non, arrête, je suis affreuse, LOL!!! »).

    le 27 janvier, 2015 à 12 h 49 min
     
  • Bojour Titiou,

    C’est un vrai retour à la 5ème effectivement, y compris « les fôtes » ;-) :
    « …j’ai eu une petite nostalgie pour ces aprèms passER à raconter… »

    Erwan.

    le 27 janvier, 2015 à 22 h 04 min
     
  • Beverly Hills, c’était surtout les tubes de Cathy Dennis aussi…

    le 28 janvier, 2015 à 10 h 19 min
     
  • Ahahahah ! On l’a tous fait ces enregistrements débiles avec son ami(e) d’enfance ! Malheureusement, ces K7 ont disparues… =( Et mon amie d’enfance s’est faite jetée par son fiancé 2 semaines avant leur mariage parce qu’elle le trompait allègrement pendant qu’il passait son temps dans un sous-marin nucléaire… ^^’
    L’avantage de ces époques, c’était que l’on avait le droit à l’oubli. Je ne sais pas combien de secrets inavouables se sont perdus dans les limbes de ma mémoire. Tant mieux !

    le 28 janvier, 2015 à 13 h 30 min
     
  • Somme toute, une adolescence « normale », entre la cinquième roue du carrosse et la cinquième de Beethov’… :)

    le 28 janvier, 2015 à 22 h 52 min
     
  • Un témoignage capital pour les prochaines années de Tétard et Curly ! ;-)

    La cinquième, c’est vraiment du grand WTF. :-D

    le 29 janvier, 2015 à 23 h 28 min
     
  • Patricia Kaas ?? Moi j’ai entendu « Be me baby » de Vanessa Paradis (l’album avec Lenny Kravitz). Je l’avais en K7 audio. CQFD :-)

    le 31 janvier, 2015 à 19 h 12 min
     
  • Oh mon Dieu, l’album de Vanessa Paradis avec Lenny Kravitz ! C’était mon tout premier CD, je l’ai eu pour le Noël de mes 11 ans avec le CD de Caroline d’MC Solaar…
    A l’époque, je faisais des spectacles devant mes parents en chantant « Elle voulait jouer cabaret » de Patricia Kaas et en dansant comme elle dans le clip (la choré super sexuelle avec la chaise) – sauf que j’étais pas encore pubère, ça devait être flippant à regarder…
    Et sinon j’ai moi aussi une cassette de moi et une copine en train de reprendre « Quelque chose dans mon coeur » de Elsa : on doit avoir douze ans, on rit comme des vaches. A l’époque j’avais même un groupe avec une copine. On s’appelait… Les Filets Grillés ! Hahaha.
    Belle époque.

    le 3 février, 2015 à 23 h 55 min
     
  • Ne soyez pas si dur avec l’ado que vous étiez, sans elle vous ne seriez pas ce que vous êtes aujourd’hui ;)

    le 13 février, 2015 à 15 h 03 min
     

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