15 février 2014

Le café, les épreuves et Nora Hamzawi

D’abord, est-ce qu’on peut parler de Nora Hamzawi ? Parce que Coach et moi, on est un peu tombés amoureux d’elle. (Et pas seulement parce qu’elle est jolie avec des cheveux qui brillent.) Ca a commencé à un déjeuner pendant lequel on s’est rendus compte qu’on avait chacun de notre côté passé la semaine à écouter ses chroniques. (C’est rassurant, ça veut dire que parfois nos discussions portent sur autre chose que l’énumération de mes problèmes.) Le soir-même, je stalke un peu Nora et je découvre qu’elle me suit sur Twitter. Là, clairement dans le but infâme de me la péter, j’envoie un mail à Coach pour lui dire. Il me répond “marrant, elle me suis aussi, d’ailleurs je lui ai envoyé un message pour lui dire que j’irai voir son spectacle, et elle insiste pour me filer deux invits, tu veux venir?” C’est ça un Coach, ça a toujours une longueur d’avance sur vous.

Donc on y est allés. Et on a ri. Son spectacle est super (juste trop court). L’extrait qui tourne le plus sur l’Internet, c’est celui sur la sodomie. Mais en vrai, elle parle d’autre chose que de cul (elle aborde entre autre un sujet qui m’est cher : les bouteilles d’eau). Y’a un truc qui me fascine dans son écriture et son débit (et les crescendos énumératifs qu’elle arrive à faire, l’énumération étant une forme de liste, c’est forcément quelque chose qui me plait) mais j’arrive pas à définir exactement quoi. Je crois que c’est la manière dont elle arrive à jongler entre le crescendo hystérique et la rupture de rythme brusque. Bref, elle a son truc à elle, qui ne ressemble à aucun des autres « jeunes humoristes » qu’on voit en ce moment. Tenez, d’ailleurs, regardez une de ses chroniques sur France Inter :


Nora Hamzawi : « Les Maths » par franceinter

Et sinon, où en est mon Titiou’s Challenge book ? (Comme le demandait hier soir un membre du Diable Vauvert…) On va poser tout de suite un truc : quand je n’écris pas sur le blog, ça veut dire que le roman avance.

Ouais.

Bin voilà quoi.

En ce moment, j’ai vraiment beaucoup de mal à faire face à tout ce que je dois faire. Une incapacité qui me file des palpitations. Et en plus, quand je crois avoir fini un truc, le futur finit toujours par désavouer ma prédiction. Par exemple, l’autre livre que je dois finir (l’autre = pas le roman).

Un jour, dans l’histoire de la littérature, un éditeur a dit “nous appellerons ça, la torture”. Un autre a répondu “LES tortureS, c’est plus classe au pluriel”. Le dernier a rajouté “je trouve ça un peu violent, ça risque de les effrayer. Que diriez-vous d’appeler ça les épreuves ?” Et ils tombèrent d’accord.

Fut alors créée la corvée des épreuves.

Pour les néophytes, les épreuves, dans le patois de l’édition, c’est ton texte sur lequel tu as bossé comme une acharnée, réécrit et corrigé dans tous les sens, ce texte que tu ne supportes plus et dont tu n’es pas loin de penser qu’il est la pire chose que la terre ait jamais porté en son sein, ce texte donc que ton éditeur te renvoie comme une claque en pleine gueule, en version papier et mis en page, prêt à partir à l’impression. Enfin… Prêt, une fois que tu l’auras relu une dernière fois pour le corriger.

LES EPREUVES

C’est un problème de riche vous allez me dire. Un caprice d’enfant gâté. Mais non.

Permettez-moi de vous conter une anecdote pas du tout à mon avantage. Pour les Morues, j’avais évidemment dû passer par la case Epreuves. On pourrait se dire que premier roman = joie et enthousiasme. Et bah pas du tout. Ca a même été les pires épreuves à relire. Je gerbais littéralement ce texte. je ne pouvais plus le voir. Du coup, je me suis forcée à relire mais en le regardant de côté, un peu de biais, ce qui, nous allons le voir, n’est pas la meilleure technique de correction.

Je valide donc les épreuves. (Moi et une autre personne dont je tairai le nom mais dont le prénom est Charles.) Elles sont envoyées pour impression des exemplaires sans couvs destinés à la presse.

Et quelque temps plus tard, je reçois un coup de téléphone de Mama Mazauric littéralement folle de rage. Je m’en souviens parfaitement, il faisait beau, j’étais sur ma terrasse et c’était la première et seule fois que j’ai entendu Mama Mazauric me hurler dessus. Elle me crie que je n’ai pas relu mes épreuves. Beuh… si. Il se trouve qu’il m’avait échappé que quelque part dans le processus de mise en page, toute une partie d’un chapitre avait sauté. Mais genre pas un passage anodin non. Une partie qui était pile la résolution de l’intrigue policière. Heureusement, des journalistes consciencieux avaient prévenu Marion.

La honte et la mortification s’abattirent sur moi.

L’avantage, c’est que ça m’a servi de leçon et j’ai compris pourquoi il fallait bien relire les épreuves.

Mais là, quand on m’a renvoyé ça  :

epreuves

ce truc dont j’avais été tellement exaltée de me débarrasser quelques semaines auparavant, j’ai senti le goût métallique du sang et les cendres de la mort dans ma bouche. En fait, je le sens toujours. Je crois que j’ai plus envie d’assister à la mise à mort d’un panda et que de me confronter à cette corvée. Et pourtant, je vais le faire. (Je rajoute ça uniquement à destination d’Alexandrine, mon éditrice, qui va m’envoyer un texto inquiet après avoir lu mon post.)

Sinon j’ai pu observer un moment de délire new-age de mon éditrice. Ca s’est produit à la page 174, au dos, elle a écrit ça :

epreuves-1

Et franchement, je n’ai aucune idée du sens que ça pouvait avoir dans son esprit même si je trouve ça assez beau. (Si elle disparait dans un mystérieux accident ce week-end, je saurai que ça a sans aucun doute un rapport avec ce code secret.) J’ai passé un long moment à regarder cette annotation en me demandant quelle clé de cryptage elle avait utilisée. Peut-être qu’elle m’organise une chasse au trésor ? Peut-être qu’elle essaye de me dire un truc existentiel ?

Mais j’ai pas trouvé.

Ceci étant, avant cette pause dans le roman (dûe à un problème d’intrigue secondaire), je bossais studieusement tous les aprèms au café, et franchement ça marchait bien. (Bien = j’abattais des pages comme un bucheron.) (Mais ce n’est pas un Bien qualitatif puisque les bucherons ne sont pas connus pour la subtilité de leur style.) Ces séances au café étaient l’occasion de redécouvrir l’humanité. (Et que l’étalage de sa vie privée dans une sphère semi-publique ne date pas de Facebook.)

cafe 1
« Ça fait 10 ans que cette conne va se regarder le nombril chez le psy et elle est toujours aussi calamiteuse. » Meuf de 50 ans au café

 

cafe 2

Étudiants au café « T’as jusqu’à vendredi pour passer une bonne semaine »

 

cafe 3

« Tu sais mon père il est alcoolique et bah depuis qu’il est à la retraite il a arrêté de boire. – Bah qu’est-ce qu’il fait de ses journées alors? – Il est avec ma mère, il joue du piano, ils regardent des films, ils font des trucs ensemble. Le truc c’est qu’il va replonger à un moment, c’est sûr. Mais on sait pas quand. » La même, quelques minutes plus tard. « Ma belle sœur est anorexique.

– C’est dingue, la mienne aussi ! Je la déteste. Elle est belle la tienne ? Parce que la mienne elle est affreuse. Vas-y raconte ! »

 

cafe 4

Couple silencieux pendant longtemps. Puis elle dit: « Tu sais quoi ? Je vais rentrer chez moi et me tirer une balle.

Lui : – Je t’ai dit que j’étais pas comme toi.

Elle est partie et il est resté finir son assiette de frites en passant des coups de téléphone professionnels au sujet d’un gala qu’il devait annuler. Quand la serveuse lui a demandé « ça a été ? » il a juste commandé un café.

 

cafe 5

Café entre deux femmes au foyer qui portent des lunettes de soleil. 22 minutes sur une camionnette mal garée en bas de chez elle. Puis astuces contre l’insomnie.

– Moi quand je suis fatiguée, j’écoute mon corps et je m’endors.

– Moi je préfère prendre le Elle et lire.

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22 commentaires pour “Le café, les épreuves et Nora Hamzawi”

  • Les épreuves (j’en ai eu corrigé pour des catalogues, c’est juste de la merde comme taff)…
    C’est justement la raison pour laquelle le livre papier va disparaître : perte de temps et d’énergie alors que tu peux tranquillement corriger en ligne ET au café.

    Twentieth century is dead. RIP.

    le 15 février, 2014 à 13 h 13 min
     
  • Bon, l’article est cool, tout ça tout ça…

    Mais l’essentiel: Où trouve-t-on les surligneurs avec le capuchon en forme de chat ?

    Merci d’avance.

    S. D.

    le 15 février, 2014 à 13 h 28 min
     
  • La dernière partie sur le café est assez déprimante. Après avoir lu ça, je suis bien content d’être le type discret, qui ne parle pas tout le temps mais qui ne déballe pas non plus sa vie en détail aux autres (bien que ça reste une part importante dans les interactions sociales).
    Sinon, j’ai vraiment du mal avec les chroniqueurs humoristiques de France Inter, ils ne peuvent pas toujours être drôle certes, mais souvent je trouve ça…bof.
    Et les épreuves, ça me rappel tous les examens écrits à l’école ou à la fac où on te dit bien qu’il faut relire à la fin. Je suppose que c’est nécessaire, même si ça à l’air très chiant.

    le 15 février, 2014 à 13 h 39 min
     
  • merci pour nora, je ne connaissais pas et elle est excellente, en plus j’ai tellement envie d’entendre des gens parler en français quand je rentre le soir :x

    plein de courage pour les épreuves, hâte de te lire à nouveau sur papier.

    le 15 février, 2014 à 14 h 09 min
     
  • éric : en même temps, le plus flippant dans les épreuves c’est de se rendre compte en relisant, alors que tu pensais que tu n’avais plus rien à corriger, qu’il y a encore plein de trucs de travers.

    S.D. : c’est un cadeau. Au dos c’est marqué « Bear highlighters 5 pack », ça doit se trouver sur Google. (Et ça coûte 3 livres.)

    Le Tchèque : j’aime bien écouter les gens, leur capacité à oublier la personne à côté qui fait semblant de bosser est assez bluffante.

    binnie : hello future-madame! Vas-y, écoute toutes ses chroniques en podcasts (malheureusement, y’en a pas énormément), elle réussit à chaque fois à me faire marrer.

    le 15 février, 2014 à 16 h 20 min
     
  • Titiou : ou de se rendre compte que l’imprimeur a perdu une feuille, en a inversé deux, a confondu la rectif’ n+3 avec la n+2… etc. :)

    le 15 février, 2014 à 16 h 29 min
     
  • Pour les chiffes ne serait ce pas les chapitres ou il est question de sexe et de vie? A moins que ça ne soit l’inverse… : le chapitre où il faut mettre plus de vie… Ou de sexe? Va savoir …. :)

    le 15 février, 2014 à 21 h 03 min
     
  • Les « épreuves », tous les chercheurs connaissent ça à un moment de leur vie.. on appelle ça les reviews car on est un peu bilingues et ça consiste à vouloir publier un article alors que la seule chose que tu as vraiment envie de faire c’est de le manger et dle chier.

    le 16 février, 2014 à 22 h 09 min
     
  • Ohlala mais tu vas au Delaville parfois!… Je pourrais te croiser IRL *o*

    le 16 février, 2014 à 23 h 12 min
     
  • De ces épreuves dont on ne sait pas si on sort vraiment grandi… ;-)

    le 17 février, 2014 à 12 h 29 min
     
  • @N.B.L. et encore moins ghandi ! :)

    le 17 février, 2014 à 15 h 37 min
     
  • Je fais un stage en radio à Télérama, stage dans lequel je dois écouter des podcasts FI et écrire dessus. Je vais finir par être interdite de ceux de Nora Hamzawi tellement je me marre et ça fait du bruit. Donc je suis plutôt d’accord, cette fille est géniale.

    le 17 février, 2014 à 16 h 14 min
     
  • Je la trouve pas très drôle la Nora machin.
    Bof… ca va vite mais c’est banal.
    Ca me fait vaguement penser au Tribunal des Flagrants Délires de la grande époque, mais en vachement moins drôle (n’est pas Desproges qui veut, même si je pense qu’elle n’a pas pour objectif de l’égaler).

    le 18 février, 2014 à 0 h 45 min
     
  • Je déteste parler de trucs persos dans le bus parce que j’ai toujours l’impression que la moitié du bus va écouter ce que je raconte. Grâce à ton blog j’ai découvert que j’étais pas aussi paranoïaque et narcissique que je l’étais.

    le 19 février, 2014 à 8 h 00 min
     
  • Nora… Nicole… Noemi… Margaux M … Soledad … et toi (vous?) : Titiou… vous égayez mes journées
    Rassurantes … pertinentes
    Vive FI et les blogueuses talentueuses
    je vous envie
    Hâte de lire la suite des Morues

    le 19 février, 2014 à 12 h 22 min
     
  • Finalement, ils veulent dire quoi ces chiffres ? (je suis très curieuse et j’ai l’impression d’être dans le même état que lorsque je voulais comprendre ce que signifiaient « 4 8 15 15 23 42 »).

    le 21 février, 2014 à 20 h 41 min
     
  • Ces

    le 23 février, 2014 à 21 h 33 min
     
  • Alors moi aussi j’adore les chroniques de Nora sur France Inter, moi aussi j’en ai écouté 18 à la suite lorsque j’ai découvert l’existence de cette fille, moi aussi je trouve qu’elle a une écriture et un style complètement à elle qui me mettent une patate incroyable, mais, mais, mais, est-ce qu’on peut dire quand même que ses petites capsules dans le Before de Canal+ c’est nul à chier ? ça m’a fait beaucoup de peine de devoir l’admettre, et j’ai du mal à expliquer pourquoi, mais dans ce cadre-là elle ne me fait pas du tout marrer. Limite je suis gênée pour elle. Donc Nora, si tu lis ce message, continue les chroniques (on ne t’entend pas assez souvent), continue les spectacles, mais les sketches tu peux arrêter c’est bon. Bisou.

    le 27 février, 2014 à 21 h 05 min
     
  • Oh Titiou,
    avant que j’oublie, excellente interview sur Arte de Sylvie Testud sur ses déboires avec le financement de son film qui devait être l’adaptation de ton roman « les morues » au cinéma

    le 2 mars, 2014 à 11 h 13 min
     
  • J’ai été triste d’entendre Testud parlait de l’annulation des Morues et qu’à la place elle faisait un film sur le bordel de faire un film. Je sais pas si tu te fais plus ou moins baiser que Julie Maroh mais merde.

    le 3 mars, 2014 à 17 h 37 min
     
  • D’abord, merci pour la vidéo de Nora Hamzawi, je ne connaissais pas non plus et elle est très drôle !
    Ensuite, je profite de la mention des Morues dans le post pour dire que je l’ai lu il y quelques mois et qu’à l’époque je n’avais pas pensé aux commentaires du blog pour donner mon impression. Et c’était une impression très positive. J’étais un peu réticente au début parce que bon, voilà, on ne sait jamais si un livre va plaire, et puis j’ai fini par le lire par amour pour le blog. Je n’ai pas été déçue un seul instant, j’ai dévoré le livre en un rien de temps et je voulais vous remercier pour le bon moment que j’ai passé en le lisant !

    le 9 mars, 2014 à 20 h 47 min
     
  • Titiou, quand est-ce que tu postes ? Même rien que pour raconter les conversations de café !

    le 15 mars, 2014 à 19 h 30 min
     

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