18 mai 2012

6 mai 2012 à la Bastille

Avant de partir à Cannes, (CANNES = colo de vacances avec les copains, cinéma gratos, alcool, liberté. Tout ça pendant 4 jours.) revenons sur un autre événement pour lequel je suis sortie de chez moi (ALLELUIA). Le 6 mai 2012.

J’ai donc testé la place de la Bastille le soir de la victoire de François Hollande.

C’était trop génial de vivre un moment historique comme celui-là et puis y’avait vraiment une super ambiance, hyper conviviale, on était vraiment tous là pour faire la fête.

Hum… Ca, c’est ce que je raconterai à mes enfants pour bien leur foutre les boules. Exactement comme on a fait avec nous pour 81. « C’était bien ta manif Têtard ? Cool. Mais ça ne vaudra jamais le soir de l’élection de Hollande. C’était magique. On ne revivra plus jamais un moment comme celui-là. Je me souviendrai toute ma vie du moment où François Hollande a lâché un phénix d’or qui s’est envolé majestueusement au-dessus de la place pour venir se percher sur le génie de la Bastille. »


En vrai :

1°) Tous les moins de 40 ans étaient là parce qu’ils avaient raté Mitterrand en 81 et qu’on nous saoule avec ça depuis des années. Sauf que précisément, en 81, les gens y étaient pour Mitterrand. En 2012, on était une partie non négligeable à y aller parce qu’on avait raté Mitterrand. Ca fait une sacrée différence.

Disons qu’à titre personnel, c’était dans la liste des trucs à faire dans ma vie : sauter en parachute, aller à Bastille fêter l’élection d’un président de gauche.

2°) On était complètement paumé. Imaginez, c’était la première fois depuis pfiou… des dizaines d’années que les « gens de gauche » manifestaient POUR quelque chose. De façon positive. C’était hyper déstabilisant. Normalement, les manifs de gauche c’est anti-FN, anti-CPE ou n’importe quelle autre mesure concernant l’Education Nationale, anti-discrimination, anti-réforme des retraites, anti-expulsion, anti-mesures d’austérité etc.

Résultat personne ne savait quoi crier. Sorti de « machin ta réforme si tu savais où on se la met », c’est le néant.

Du coup, il a fallu se rattraper et très vite sont apparus des slogans anti-Sarkozy. « Sarkozy aux chiottes et pissons-lui à la gueule et faisons un gros caca par-dessus le nain et tirons la chasse » et autres formules aussi élégantes. On fêtait certes l’élection d’un nouveau Président de gauche mais ce qui dominait, c’était l’étonnement et la satisfaction vengeresse d’avoir réussi à se débarrasser de Nicolas Sarkozy. Ca reste assez fascinant comment cet homme a réussi à concentrer les haines contre lui.

On était moins dans « changeons la vie » que dans « ça va être moins pire ».

« Tu comprends Têtard, on n’était pas blasé et pragmatique comme ta génération. A l’époque on croyait encore qu’on allait changer le monde, la France, la vie de chacun. François Hollande avait incarné cette aspiration, il l’avait portée avec majesté, ampleur, souffle, lyrisme. Quand une montgolfière a lancé des nuages de pétales de rose sur la place, c’était nos rêves qui virevoltaient dans la brise printanière. C’était ça la Bastille en 2012, un rêve éveillé. Hein ? Quelle pluie ? Qui t’a dit ça ? N’importe quoi… Ecoute moi, j’y étais, il faisait 25 degrés. »


3°) Les slogans anti-Sarkozy étaient sans doute liés à la très grosse présence des militants du Front de gauche – à croire qu’ils campaient sur place depuis le meeting de Mélenchon.

Echange entendu entre deux jeunes :

« Alors maintenant le SMIC va être à 1700 euros ?

– Non mais t’es con au quoi ? Lui c’est Hollande, c’est pas Poutou. »

Tu m’étonnes que si le mec pensait que maintenant le smic est à 1700 euros il soit venu faire la teuf.

« Et je t’ai parlé de l’arc-en-ciel nocturne, mon Têtard ? Non mais parce que quand même, c’est hyper rare comme phénomène un arc-en-ciel en pleine pénombre. Je dois avouer que ça a rajouté à la magie du moment. »



4°) Dans le métro et aux alentours de la place, l’ambiance était fort sympa. Par contre, une fois que vous vous immergiez au milieu de la foule, c’était l’horreur. Vous étiez littéralement piégé, impossible d’avancer ni de reculer. Ce qui évidemment a provoqué des mouvements de panique. J’ai vu plusieurs meufs faire des malaises et impossible de les évacuer.

Il y a eu un début de baston entre une famille qui vendait des merguez et un mec qui était bloqué contre leurs grillades.

Là, la mère de famille le supplie de ne plus frapper son mari… Charmant.

Perso, je me suis embrouillée avec un mec d’à peu près 1,90m. Je l’ai bousculé, il m’a dit « je vais te frapper pétasse ». Et là, j’ai eu une résurgence absolument ridicule du temps où je vivais à Bagnolet. A Bagnolet, après la fois où je me suis faite agresser avec coups et violence sous la menace d’une arme (c’est comme ça que les mecs de la BAC avaient qualifié le truc, s’il vous plait), j’avais décidé que plus jamais. Du coup, au moindre type qui me regardait de travers, je passais direct en mode agression.

Le mec a donc eu la surprise de me voir l’attraper par le col et lui hurler : « QUOI QUOI ? Tu crois que t’es plus fort que moi ? Mais moi je te rétame ta gueule de fils de pute de ta race !! Vas-y viens quoi !! » avec en prime un semblant de très vague accent du 93 que j’avais fini par choper à l’époque quand je m’énervais. C’est son pote qui s’est interposé.

Y’avait aussi les inévitables mecs qui veulent te taxer une clope, à qui tu dis non et qui t’engueulent parce que putain on est là pour partager tous ensemble. Va partager ton cul oui. Moi je suis là parce que j’ai jamais vu Mitterrand.

« Tu vois, Têtard, le truc le plus fort ce soir-là c’était la communion entre les gens. C’était une foule très dense mais sans aucun accrochage, on était vraiment tous ensemble. On se frôlait, on se touchait, on se caressait. Certains ont commencé à se déshabiller, des couples ont fait l’amour au milieu de la foule et tous les regardaient avec respect. Un mélenchonniste m’a proposé un cunnilingus, comme ça, gratuitement, parce qu’on était là pour se donner du bonheur les uns les autres. C’était à la fois simple et beau. Hein ? Oui, j’ai accepté bien sûr. »

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28 commentaires pour “6 mai 2012 à la Bastille”

  • Mmmm cet instant magique. Et nous l’avons vécu !
    Enfin moi à la télé, parce que Bastille vraiment, déjà j’évite ce secteur le vendredi soir… Là, mon agoraphobie (ou merguezophobie) aurait pu s’exprimer haut et fort elle aussi. Flûte.
    Si t’as pas fait la fête pour un président de gauche avant 50 ans t’as loupé ta vie ou bien ?

    le 18 mai, 2012 à 16 h 15 min
     
  • Quelle justesse, tu m’épates! ça vaut le coup d’attendre 12 jours… Sinon, c’était un peu l’hallu la foule quand même, j’ai eu du mal à me détendre et à communier avec mes pairs moi là-dedans, ça m’a plutôt stresser et je n’ai pas l’impression d’avoir vécu un moment inoubliable, surtout quand j’entendais les plus de quarante dire « oh, mais pour Mitterand, c’était autre chose, là!) pfffffff…

    le 18 mai, 2012 à 16 h 16 min
     
  • Mais c’est ça le pire. Normalement moi j’évite Bastille les soirs de week-ends. Mais au moins je l’ai fait. Je peux le rayer sur ma liste.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 17 min
     
  • Ninoou : t’y étais aussi ? T’as vécu l’horreur des mouvements de foule ? J’ai mis 40 minutes à quitter la place et arriver à Chemin vert.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 18 min
     
  • Ah mais tu n’as pas parlé des magnifiques concerts qui ont eu lieu ! Et pourtant il y en avait à redire. Non je ne vise personne.

    Et oui, j’attends avec impatience une étude pour voir si les français vont assurer plus de clopes aux autres avec l’élection de Hollande. Nan mais y a des fois où j’ai l’impression d’être le seul mec à avoir acheter des clopes de tout mon quartier… « Y A UN TABAC EN FACE MEC! »

    Bon sinon je n’arrive pas à trouver de jeux de mots débiles à faire sur le cunilingus de mélenchoniste. Pourtant ça semblait propice à l’humour classe.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 23 min
     
  • romain : dans le brouillon de ce post (oui, je fais des brouillons et j’assume) j’avais placé une vanne sur le concert de Pep’s. Mais en fait, elle était nulle.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 26 min
     
  • t’es quand même pas mal frappée comme nana!
    outre cet article (qui m’a bien fait rire!) se coltiner la bastille le 6 mai parce que t’as pas vu Mitrand (j’aime bien le prononcer comme ça!) c’est du suicide social!
    mais

    le 18 mai, 2012 à 16 h 28 min
     
  • Faire un saut en parachute ça m’a l’air beaucoup beaucoup moins risqué, en plus c’est très bien et c’est super efficace contre les pellicules (mais ça ça n’intéresse probablement que moi)

    nfkb, sauteur régulier :)

    le 18 mai, 2012 à 16 h 29 min
     
  • M…E j’ai oublié la fin: « YOU DID IT » ^^

    le 18 mai, 2012 à 16 h 29 min
     
  • Moi j’ai trouvé ça sympathique. Bon, Yannick Noah, ou Pep’s on s’en serait passés mais, si on le prend au 5ème degré, c’était rigolo. Et puis, OK on est venus parce qu’on avait tous loupé Miterrand, mais pas que. Je n’étais pas à la Bastille par défaut, mais parce qu’il fallait le fêter (merde). Si on est agoraphobes, bien sûr, évènement à éviter, mais il faut s’en douter quand on se ramène à ce genre de rassemblements… Et, franchement, quand tout le monde s’est mis à entonner la marseillaise (et franchement ce n’est pas dans mon habitude de chanter la marseillaise hein), ba j’ai été émue.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 33 min
     
  • Je visais plus Yannick en fait.

    Très mauvais souvenir en tout cas me concernant, je suis sur que pour Mitterrand, il faisait trop bon, que les gens étaient urbains, qu’on pouvait rentrer chez soi sans se faire piétiner les pieds une centaine de fois ou huer sans raison (je ne ressemble pas à hortefeux pourtant). Mais ça c’était avant.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 37 min
     
  • Même sensation. Une foule plus heureuse contre quelqu’un que pour quelqu’un.

    Big up au spot de victoire, super Net Culture Compliant et entraînant.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 48 min
     
  • magnifique. Peut-être le meilleur texte que j’ai lu sur cette soirée-là.

    le 18 mai, 2012 à 16 h 55 min
     
  • hahaha très très bon :)
    en fait je me rends compte que si je n’y suis pas allée c’est pour la même raison qui t’a fait faire le déplacement. j’ai jugé qu’avoir loupé Mitterrand était une raison insuffisante, un choix par défaut en quelque sorte et je suis restée chez moi, tranquille, loin de la foule. Mais au fond ça m’a presque fait culpabiliser… voilà qui est réparé grâce à toi !

    le 18 mai, 2012 à 18 h 17 min
     
  • Toujours aussi drôle !

    Moi j’avais programmé mes vacances outre atlantique pendant le 2nd tour, au cas où ça finirait en eau de boudin (réélection du nain). Du coup, à 14h heure locale, avec ton mec qui fait la sieste à l’hotel, apprendre par un bandeau laconique sur CNN que « french voters says au revoir to sarkozy » bein c’est l’épisode le plus frustrant de ma vie ! J’aurais rêvé être à Bastille, entourée de gauchos à qui distribuer mes clopes dans une odeur de merguez au son d’un groupe de merde qui répète dans sa cave toute l’année pour sortir à la fête de la musique !
    Et crier victoire au socialisme aux USA, j’ai pas osé !

    le 18 mai, 2012 à 18 h 41 min
     
  • Miaou

    le 18 mai, 2012 à 22 h 37 min
     
  • Ben moi, Mitterand je l’avais pas loupé!!! sisi j’vous jure!!
    Alors vous pensez bien que l’idée d’aller voir un président normal, à la Bastille, le 6 mai, ben… ca m’en a touché une sans faire bouger l’autre.

    le 18 mai, 2012 à 22 h 53 min
     
  • J’avais déja tenté le meeting de Hollande a Vincennes « comme ça j’en aurais fait un » (bon c’est parce que c’était pas loin!), du coup j’ai préféré quitter la ville que risquer de craquer. Je vois que j’ai rien raté. C’est marrant, ceux qui y étaient s’y croyaient autant que s’ils avaient assisté a la Libération!

    Par contre, j’ai souvent l’impression que les fan de la gauche vouent une certaine haine aux personnes de petite taille. Il suffit des les entendre parler « Ca a rien a voir avec l’autre, le nain là ». Pour des gens tolérants…

    le 19 mai, 2012 à 0 h 56 min
     
  • Un petit film sur la soirée du 6 mai à la Bastille: https://vimeo.com/41744284

    le 19 mai, 2012 à 1 h 10 min
     
  • Mitterand c’est un peu la (seule) référence pour la victoire présidentielle (de la gauche). Bon moi j’y étais pas pour Hollande, mais je comprends que les grnads mouvements de foules quels qu’ils soient peuvent mettre mal à l’aise ou être aussi un peu merdique (quand on se fait agresser ou qu’on voit des trucs pas classes).

    Mais quand même je pense que ça a fait du bien aux gens qui y étaient, parce que Sarkozy, comme tu l’as dit, il a quand même réussi à se faire haïr par énormément de gens à un point quasi inimaginable pour un président.

    le 19 mai, 2012 à 17 h 20 min
     
  • tu es obligée de faire des articles sur cannes

    le 20 mai, 2012 à 17 h 25 min
     
  • Ah mais tu oublies un petit détail ! Les mains aux fesses !!! Oui parce que pas mal de mecs très claaaaass’ se sont bien lâchés. C’était à en devenir complètement parano sur la fin : au moindre frôlement j’avais envie d’engueuler tout le monde autour !

    le 20 mai, 2012 à 22 h 35 min
     
  • Ton cuni mélenchoniste m’a tué.

    T’aurais pu proposer une pipe en échange ceci dit.

    le 21 mai, 2012 à 13 h 28 min
     
  • Petit 1 : Le « va partager ton cul » a, pour ma part, eu raison de mes dernières dents que j’ai fini par répandre sur mon clavier, de rire* (*à replacer où vous voulez dans la phrase pour une meilleure compréhension, mais c’est pas sûr).

    Petit 2 : Je tiens également à noter qu’il s’agit de la première analyse politique sérieuse qui donne envie de devenir mélanchoniste !

    le 21 mai, 2012 à 14 h 09 min
     
  • Habitant à 3 rue de la place ou on fêtait l’arrivée au pouvoir du président normal, j’avais pour intention première d’aller poser mon derche au milieu des merguez et des cornes de brume, mais une flémingite aigue ainsi que la vue de milliards de pélos dans ma petite rue convergeant vers la Bastille m’en a vite découragé. A 21h en me penchant à ma fenêtre (hors de l’oeil du cyclone donc), je pouvais observer un nombre irrationnel de Kro et 8.6 qui jonchaient le sol, des mecs qui se battaient non loin de là et une femme bien éméchée qui avait décidée qu’aujourd’hui elle pisserait accroupie au milieu de ma rue. Folkorique.

    le 21 mai, 2012 à 18 h 38 min
     
  • Très bon article j’ai adoré et j’ai ri à gorge déployé (surtout pour le têtard, franchement j’entendais mon oncle me raconter 81). Bon sinon le seul truc qui pour moi est « bizarre » dans tout ça c’est pas la fête (d’ailleurs il n’y a eu qu’à la Bastille et Tulle ?) mais plutôt l’espèce de haine sous-jacente qui donne lieue à une espèce de liesse que je trouve excessive, je sais pas c’est très étrange, on peut fêter la victoire mais bon là c’était un peu trop. Quelqu’un venant d’ailleurs qui se retrouve là doit ce dire qu’on est enfin libéré d’un dictateur, qu’enfin les cadavres des dissidents tué par les milices gouvernemental ne joncheront plus le sol et que le droit de paroles sera enfin rétabli. Ben non, on a juste un président républicain qui en remplace un autre, élu par le peuple… Ah c’est tout ? Ben oui… Bon ok…

    le 30 mai, 2012 à 14 h 50 min
     
  • Hello titiou.
    Wow… tu fais de la promo sur youtube.. . T’es quand meme allée chez Jacky… V’la le fourvoiement… (grand respect pour la carrière de cet homme, meme si…)
    Je ne poste, normalement, jamais sur le net (informaticien powa, conscient de son nom/image, no facebook toussa).
    Je n’ai jamais lu la moindre page d’un seul de tes bouquins. Mais je lis ton blog et tes articles sur slate depuis qq temps. (j’ai prévu d’en acheter un. Promis ! Au moins pour que tu commandes un rouge sans penser à ton banquier… )
    J’aimerais que tu écrives un peu plus sur ton blog, même si j’ai bien conscience que maintenant tu sois maman (je suis tonton de 3 neveu qui me prennent du temps… Shit ! Alors un gamin à plein temps… Over shit !!!).
    Tu me fais rire, penser… c’est déjà beaucoup.
    Je ne sais comment conclure. Je te souhaite le meilleur.

    le 31 mai, 2012 à 4 h 17 min
     
  • Super article sur cette soirée. Née en 81, j’ai vraiment ressenti le poids de la ferveur de mon année de naissance, et en même temps le manque de ferveur qu’avait quand-même le 6 mai 2012, (ou alors encore plus de déception de pas avoir eu 20 ans en 68)
    …mais quand-même contente d’être à la bastille ce soir là, et de pouvoir, pour un jour, ressortir vieilles photos et vieux slogans:
    http://apreslebruit.wordpress.com/2012/05/06/1968-1981-2012/
    1968/1981/2012

    le 7 juin, 2012 à 14 h 58 min
     

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