20 mai 2011

Aveu : je n’ai pas testé Cannes – 2

Cannes – Jour 2

Jour 1 ici

3h (du matin) Je me réveille en sueur. Je viens de réaliser que si je n’écris aucun papier, la comptable de Slate va sans doute refuser de me rembourser mes 300 euros de billets de train. Je me rendors en me promettant de m’y mettre le lendemain.

12h30 Alors que je me lève fraîche comme la rosée – tu m’étonnes, je viens de dormir 12h – mes colocs me font un remake de Very Bad Trip. Au fur et à mesure que les minutes passent, les souvenirs de la veille leurs reviennent. Attends, les accréds sont dans ma poche. Attends, les accréds sont dans la poche de ma veste. Attends, ma veste est chez Maud. Attends, Maud n’est pas chez elle. Attends, tu te souviens de qui est Maud ?

Moi, je m’en fiche, j’ai dormi, je sautille de bien-être. Je prends mon téléphone et là, je découvre 3 textos de Henry Michel. Je n’ai pas le temps de les lire, il est déjà en train de me téléphoner. Il m’annonce : « Je vais appeler Johan Hufnagel et lui dire que j’arrête le blog Cannes.

– T’arrêtes quoi ? T’as pas commencé à écrire.

– Ah oui… Bon. Je vais écrire un billet pour expliquer que je ne peux pas écrire. » Je me mords les lèvres de dépit. Je viens de lui donner une idée de sujet alors que je suis toujours en pleine galère. En même temps, pour l’instant, il n’a rien écrit non plus. A cette idée de ne pas être la seule nulle mais que nous soyons deux cancres angoissés, je me sens suffisamment rassérénée pour envisager d’aller voir un film.

14h Je croise Ioudgine, qui tient le blog Cannes d’Arte.

Ioudgine, blogueuse-mystère

Je compte sur elle pour médire sur Pierre Siankowski qui tient le blog Cannes des Inrocks et nous pond du 75 000 signes toutes les deux heures, tu-vois-easy-tranquille-la-vie, accompagnés de photos des stars avec qui il passe ses soirées. (Je suis pétrie de jalousie.) Mais je n’ai pas le temps d’en placer une qu’elle m’annonce que c’est vraiment super dommage que je sois partie me coucher la veille vu qu’elle a été à une soirée à l’hôtel Marriot avec Owen Wilson. Ok. Je vais donc aller me pendre. Je me sens désespérément seule. En même temps, j’ai bien conscience que si je ne sors pas (parce que je dors à minuit) et que je ne vais pas non plus voir de films (parce que je dors encore au moment des projections presse du matin) faut pas que je m’étonne d’avoir rien à écrire.

15h Je vais enfin voir un film. Oui, un film. Je sais, c’est fou. Je peux encore sauver ce festival. (Surtout que Henry Michel, lui, n’a vu aucun film pour le moment. C’est quasiment comme si je prenais une longueur d’avance.) Cependant, mon coloc exprime un léger doute sur le choix de film que j’ai fait. Le dossier de presse disait « MICHAEL décrit les cinq derniers mois de la vie commune forcée entre Wolfgang, 10 ans et Michael, 35 ans ». Mon coloc me fait remarquer qu’on s’apprête donc à voir un film autrichien sur la pédophilie. Je réponds que non, vie commune forcée, ça peut aussi vouloir dire qu’ils sont coïncés ensemble suite à une attaque de zombies. Il se trouve qu’il avait raison (en même temps, dans le dossier de presse, ils mentionnaient aussi Natascha Kampusch, ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille). Ceci étant, je ne vois pas comment on peut faire plus cannois que ça comme genre de film chiant. Je vous fais le pitch pour être certaine que vous n’irez pas le voir (c’est une daube). Donc Michael est un pédophile qui tient enfermé dans sa cave un petit garçon qu’il viole tous les soirs après s’être lavé les dents. Le film, quasi muet, décrit la vie quotidienne de ce couple ‘peu ordinaire’. Michael coupe les cheveux de sa victime. Ils fêtent Noël. Ils dînent ensemble. Ils vont se promener.

Pour déterminer si c’est un bon film ou pas (en l’occurrence la réponse est : ou pas), un critère simple : le rire. Le fait que mon coloc et moi ayons été pris d’un fou rire pendant la scène la plus glauque du film me semble être le signe d’un échec pour le réalisateur (qui était, malheureusement pour lui, présent à cette projection et a donc pu profiter des ricanements des deux crétins derrière lui). Pourquoi a-t-on ri ? Un soir, Michael est seul affalé sur son canapé devant la télé. (Le gamin étant enfermé à la cave.) Il regarde ce qu’on suppose être une parodie de film d’horreur en version porno. On entend en off le dialogue, la caméra est sur Michael. Voix d’homme : « Tu vois, ça, c’est ma bite. Ca, c’est mon couteau. Tu préfères que je t’enfonce quoi ? » Et là, Michael est mort de rire. (Ce qui ne va pas arriver très souvent pendant le film.) On comprend que vraiment, il trouve que c’est une super blague. Le lendemain soir, Michael dîne en face-à-face avec le gamin, comme tous les soirs. Ils ne parlent pas, comme d’hab. Et puis, Michael baisse la tête et commence à rire. (Là, j’ai pris ma tête entre mes mains de gêne, je me suis tassée dans mon fauteuil et mon coloc a murmuré « non… il va pas oser… ») Michael, hilare, a vraiment trop envie de partager la bonne blague de la veille. Il se lève. Il ouvre sa braguette. On voit son petit sexe tout rose pendouiller au-dessus de son assiette de purée et il dit au môme « Tu vois, ça, c’est ma bite » Il prend son couteau « ça, c’est mon couteau. Tu préfères que je t’enfonces quoi ? » Michael hoquette de rire, il regarde le môme en attendant vraiment qu’il partage son hilarité. Le gamin ne lève même pas la tête et continue de manger en répondant « Ton couteau ».

Très intense moment de malaise dans la salle, tellement la scène qui se veut sobre est clichée et maladroite.

19h30 Réunion de crise autour d’un verre avec Henry Michel. L’équipe de Slate à Cannes (plus connue sous le noms d’équipe des gros losers) a besoin de faire le point. Désormais, une seule chose nous préoccupe. A ce stade, on a clairement abandonné la recherche d’idées de sujet. On cherche un échappatoire. Henry sirote sa coupe de champagne avant de me poser enfin la question qui lui brûle les lèvres : « Johan Hufnagel, il est plutôt genre mec cool ou nerveux ? »

20h On décide qu’il est plutôt cool et on part à la soirée Inrocks.

22h On se dit qu’il est vraiment très cool et que ça va le faire bien rigoler si on lui envoie une photo de ses pigistes branleurs en train de picoler.

22h01 Henry Michel se dégonfle. Non on ne peut pas envoyer cette photo au chef alors qu’on devrait être en train de bosser. Je réponds que je m’en fous, je la mettrai dans mon billet. Henry Michel se fige. « Quel billet ? T’as un billet de prévu ? Tu l’as déjà écrit, c’est ça ? T’as fait combien de signes ?? »

22h03 Henry Michel quitte la soirée en courant. Je comprends tout de suite qu’il rentre chez lui travailler. Je fais un sprint dans la rue pour le rattraper, je bouscule un mime (“con de mime”), je crie « Henry, reviens, je te jure que j’ai pas écrit une ligne ». J’arrive à sa voiture. Trop tard. Il a claqué la portière et s’est enfermé à l’intérieur. Je tambourine à la vitre. De l’autre côté, je le vois, le visage baigné de larmes : « Comment t’as pu me faire ça ?? T’as écrit un papier sans me le dire. En douce. Il est déjà en ligne sur le blog, c’est ça hein ?! » Je lui jure que non et je fais crisser mes ongles contre le plastique de la vitre. Mais c’est inutile, j’ai perdu sa confiance. Il me dit « Je m’en fous, je rentre, je vais poster cette nuit », il démarre et disparait dans la nuit cannoise. (Je n’ai, à ce jour, plus eu de signe de vie.)

4h (du matin) Je dors à poing fermé. Je n’ai pas rédigé une ligne d’article, mon collègue de lose a disparu, mon coloc est ivre mort et m’envoie des photos de lui aux chiottes mais rien, absolument rien ne m’ôtera le sommeil. Je suis malgré tout réveillée par un texto. C’est le chef. « Il faut que tu fasses un papier. » J’ai la tête embrumée, mais je me dis que ça va, je vais lui pondre son papier Cannes, ça sert à rien de me harceler en pleine nuit. Je lis la suite du message « un papier sur DSK. » Epic fail qui nous ramène donc au post d’hier dans une sorte d’inception du blog.

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19 commentaires pour “Aveu : je n’ai pas testé Cannes – 2”

  • Vu que tu vas croiser la quasi-totalité des bloggeurs « spécial Cannes » de la presse française et internationale, fais-nous un comparatif genre « ma bite ou mon couteau ? ».

    Et fais gaffe à tes ongles, le plastique des vitres est bourré d’OGM… :)

    le 20 mai, 2011 à 11 h 32 min
     
  • et 5h00 du mat, j’ai des frissons, je claque des dents et je monte le son>>>Clack! fait le verre en tombant sur le le lino, j’me coupe la main ( mais pas trop fort quand meme) en ramassant les morceaux… »ahwan chicon ah wa chicon »…chacun fait-fait -fait, skil lui plait-plait-plait>>>>
    (dedidace a Dominike du fond de sa cellule gluante avant son Petrus de demain matin pour se refaire de ses emotions, hein!)

    le 20 mai, 2011 à 12 h 36 min
     
  • génial !

    le 20 mai, 2011 à 13 h 11 min
     
  • Il à l’air cool ce film
    bon je m’oblige à poster un message ( pour chaque article que je lis ici et qui ne date pas d’il y’a 6 mois )( et puis y’a une photo de toi :O [ non je ne suis pas un violeur/pervers du net ne t’inquiète pas je ne viendrais pas chez toi te proposer le couteau ou le manche ])

    le 20 mai, 2011 à 18 h 07 min
     
  • Je m’insurge! Il n’y a aucune nouveauté dans tes articles!

    le 20 mai, 2011 à 20 h 15 min
     
  • J’ai eu un frémissement thoracique à la lecture du « je préfère un couteau »…

    Bon sinon t’es carrément devenue chiante comme gonzesse, si tu sors plus comment on va vivre par procuration tes soirées sex/débiles hein ?!

    le 20 mai, 2011 à 23 h 47 min
     
  • 3 pages pour dire que vous n’avez rien à dire, bravo!
    (bon, on vous pardonne parce que vous êtes très jolie)

    le 21 mai, 2011 à 1 h 39 min
     
  • Ce chat vient de rentrer de Cannes

    le 21 mai, 2011 à 13 h 09 min
     
  • Bonjour bonjour, c’est ici le blog de Mary Poppins ?

    le 21 mai, 2011 à 14 h 29 min
     
  • Je trouve le décalage entre Madâme Lecoq et les missions qui lui sont assignées parfaits pour engendrer des billets super mortels.

    le 21 mai, 2011 à 15 h 09 min
     
  • C’est mon anniversaire aujourd’hui et je te remercie de m’avoir offert la possibilité de penser que j’étais pas le plus gros loser de la planète du haut de mes 28 piges. Ton papier est juste extrêmement lolant. Je file lire ton billet sur DSK. Biz.

    le 21 mai, 2011 à 15 h 22 min
     
  • De mon point de vue Henry Michel et toi devraient remonter en stop, il y a peu de chance pour que la comptable accepte quelque remboursement. J’ai pris plaisir à te lire sur celui que ne dis plus ne pas avoir testé, puisses-tu l’avoir fait chanceler. Bonne route, gare aux zombis !

    le 21 mai, 2011 à 19 h 45 min
     
  • cette fossette, chère titiou, c’est un hommage à kirk douglas, ou bien ?
    toujours mieux, en tous cas, que celui adressé à bébel cette semaine, amorce d’obsèques, flagrante…

    le 21 mai, 2011 à 21 h 31 min
     
  • Vraiment, ta façon d’écrire et de décrire tes journées est géniale, surtout la scène d’action-romance-dramatique, où ton collègue loser s’enferme dans la voiture et disparait…
    Le suspense est juste insoutenable!

    le 22 mai, 2011 à 13 h 17 min
     
  • T’es la reine de la loose,
    et sacrément photogénique.

    le 23 mai, 2011 à 9 h 52 min
     
  • Il serait peut être temps de rappeler les règles qui furent instaurées ici même, Cannes + DSK, y a pas à dire, ça draine du creepy.

    Saloperie de Michael, le gosse ne pourra jamais rire à cette réplique mythique du cinéma : « Tu as déjà vu un monsieur tout nu? ».

    le 23 mai, 2011 à 20 h 26 min
     
  • une tite vidéo de chats pour se remettre de ses émotions canneskes(/nikes?)
    http://www.youtube.com/watch?v=h6CcxJQq1x8

    le 23 mai, 2011 à 22 h 47 min
     
  • Barrez vous cons de mimes!

    le 25 mai, 2011 à 15 h 18 min
     
  • Alors, finalement, t’as raison : l’âge, ça ravage. Argh. Je croyais avoir mis le lien vers la vidéo de chats dans un post de 2010 et ma pauvre personne diminuée l’avait mis pilpouale en mai, là où tout le monde y peut le voir et dire  » rhô, la naze, on l’a déjà eu ».
    Encore une fois ma grande confuse réitérée.

    le 25 mai, 2011 à 17 h 13 min
     

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