15 mars 2009

C’était pas la panacée

Au début, il y avait un bingo brain, une perspective plutôt réjouissante. Sauf que j’en avais assez d’aller de désillusion en désillusion. Même en trichant, même en ayant une dizaine de cartons, mes capacités à gagner étaient toujours à 0. Et j’avoue que je ne m’étais jamais tout à fait remise de ce sublime appareil à raclette qui m’était passé devant les yeux au premier bingo.

Comme 2009 c’est mon année, j’ai gagné. Et oui. Je dirai pas quoi. On a une image de marque à tenir à Brain.

Et voilà quelque chose que le monde de la nuit parisienne attendait depuis des années, la preuve indubitable que Marco Dos Santos est un fantôme.

Meilleur ami qui découvrait le bingo brain a conclu qu’il s’agissait du jeu le plus idiot du monde (c’est un peu péremptoire mais juste) et a considérablement apprécié l’open-bar.

Ca fait tellement longtemps que je promets des photos de nichons sur ce blog que j’ai même arrêté d’en évoquer la possibilité.

Ensuite la galère. Au début c’était chouette. Nonobstant le fait que ce vendredi je m’étais levée à 6h30, 10 heures de travail, puis la gare à 22h et que non, je ne partais pas en vacances, en fait je prenais le train pour prendre le train (une autre histoire de taff). Le train de nuit en première classe, c’est beau.

Au bout de 9 heures de train, c’est moins sympa. Arrivée à Hendaye, il est 7h du mat (un samedi) j’ai le dos en compote, j’ai sommeil, j’ai froid, en un mot je suis chafouine. Je trouve un hôtel et là, le gérant m’annonce qu’il n’a pas de chambre libre avant 13h. Han… J’entame alors ma transformation en Cosette. Le mode Cosette n’est pas une stratégie de manipulation de mon interlocuteur. Non. Dans ces moments-là, je suis Cosette, au plus profond de mon coeur. J’ai une espèce de sentiment d’injustice totale et je me dis que les adultes, ces gens qui sont sensés s’occuper de moi, prendre soin de mon bien-être, n’ont pas le droit de ne rien faire pour m’aider. Là, je suis crevée, j’ai mal au dos, et je suis seule au monde, et j’en ai assez, et de toutes façons je pourrais pas faire un pas de plus, regardez je titube d’épuisement, avec ma faible constitution, et c’est vous, vous mon interlocuteur du moment qui devez me trouver une solution.
Tout ça n’étant pas explicitement exprimé mais passe par mon regard. En général, alors que la bienséance voudrait que je tourne le dos pour reprendre ma route puisqu’on m’a clairement signifier un refus de m’aider, j’ai l’attitude inverse. Je reste plantée là. Mais rappelons que je suis Cosette, donc une frêle chose sans défense. Pas le genre de meuf qui va commencer à négocier et à insister. Non. Moi, je pratique le pouvoir de l’inertie. Je ne dis pas un mot, je reste juste plantée debout sans rien dire, le regard baissé. (Une attitude qui n’est pas sans rappeler le jeu d’acteur des enfants qui dans les téléfilms des années 80 interprétaient des petits juifs cherchant refuge dans un pays en 1941).
Le gérant qui, de toute évidence, ne peut pas fermer sa porte rapport à la juive qui s’est bêtement plantée dans l’embrasure, finit par m’indiquer que je trouverai une chambre au Campanil ou à la pension Europa. Je tourne les talons. Je cherche le Campanil. Je trouve un panneau indiquant que la Campanil est là, mais je le vois pas. J’envisage de passer les 7 heures qui me séparent du retour à une terrasse de café mais c’est pas possible. Je traine mes sacs sur un rond-point. Je suis perdue. J’envisage de simuler un malaise pour que quelqu’un, quitte à ce que ce soit une autorité médicale, me prenne enfin en charge. Je m’engage sur un chemin dont l’ambiance n’est pas sans rappeler le couloir de la mort. Puisqu’on ne veut pas de moi dans ce pays-là, soit-disant la patrie des Droits de l’homme, je prends une décision irrévocable.
Je traverse la frontière.

Je suis en Espagne. J’ai subitement l’impression qu’il fait un peu plus chaud. Je me traine encore. J’ai la sensation d’être dans Gerry. Si je continue de marcher, je trouverai bien un hôtel, un havre de paix, un refuge, un lit. Ou alors je crèverai. Surtout que mon portable n’a plus de batterie (ce qui, pour moi, signifie avant tout que je n’ai plus d’accès à internet… j’essaie de ne pas y penser et de me limiter à une consultation, rapide, de facebook par heure). Et voilà que, brusquement, la pension Europa se dresse fièrement dans les cieux.

J’ai des larmes de bonheur qui scintillent au coin des yeux. Je tombe à genoux devant l’accueil de la pension et levant les mains au ciel pousse un déchirant « halléluja ». On me donne ma clé. Je monte deux étages, à chaque marche, je me rapproche du paradis : une chambre à soi. J’ouvre la porte avec enthousiasme et OUILLE PUTAIN MERDE ME SUIS FAIT MAL. Ah oui, c’était le lit. La pension Europa se révèle donc avoir la chambre d’hôtel la plus petite d’Espagne.

Mais peu importe, surtout que les toilettes sont impeccables.

Et que la vue sur le parking est tout simplement imprenable. Je pense que c’est la meilleure vue sur parking-et-route-nationale de toute la région.

Après avoir regardé un épisode de Pokémon en espagnol (on a le programme que son niveau en langue mérite), je dors. Deux heures. Me retraine à l’accueil, rends tristement ma clé, repasse la frontière, reprend le train, une seule question en tête : Paris existe-t-elle encore ?
Réponse 7 heures plus tard : oui. (Notez que 7 heures de train, c’est très long.)
A 20h30 samedi, je rentre enfin en communication avec un autre être humain. Je bafouille, je mélange les syllabes mais je me sens bien. En plus d’être jolie, drôle, intelligente, ma nouvelle copine est patiente. Elle m’écoute lui résumer les trois dernières années de ma vie sur le mode dyslexique. Elle regarde même la photo de la pension Europa. Et quand elle parle, elle fait de jolies mouvements avec ses mains.

Ego-trip « hey, on dirait qu’on est des blogueusesinfluentes ».

partager ce post sur: facebook | twitter |

 

«                 »

 

3 commentaires pour “C’était pas la panacée”

  • Désolée pour le déterrage d’ancien topic, mais en découvrant ton blog et donc en fouillant dans ton historique, je suis tombée sur ce post.
    Jusque là rien de bien passionnant, mais là que vois-je?! Une référence que je crois reconnaître…
    Du coup petit commentaire pour savoir si je n’ai pas fumé, et que le passage de ton post sur « je me rapproche du paradis : une chambre à soi » est bien une référence à la ô combien mervielleuse Virginia Woolf! *_*
    Si ce n’est pas le cas, sorry pour le dérangement mais c’tait trop tentant! On ne tombe pas tous les jours sur de si bonnes références! :D

    Very nice blog en tout cas! :). Keep up the good work!

    le 22 juin, 2010 à 19 h 59 min
     
  • J’aime bien ce post. La fille qu’on voit en photo à la fin est devenue une de mes meilleures amies.
    Et non, tu n’as pas fumé. C’est bien une référence à Virginia. J’essaie souvent d’introduire des références littéraires parce que la littérature, c’est chouette ;)

    En tout cas, merci de venir faire revivre de vieux posts!

    le 23 juin, 2010 à 9 h 11 min
     
  • Pas si vieux… La preuve.
    J’ai pas suivi, pourquoi faire 7 heures de train pour faire le même chemin en sens inverse quelques heures plus tard. Ai-je raté quelque chose ? (je ne demande pas si j’ai fumé, je ne fume plus depuis 7 ans mais il me semble là avoir manqué le shmilblik…)
    PS je viens de découvrir ce blog, j’habite en Australie (plus pour très longtemps) et je me régale. Merci :)

    le 13 juillet, 2010 à 13 h 26 min
     

Poster un commentaire