28 novembre 2008

Ne couchez pas avec une blogueuse, ni un juriste. Ou de l’atteinte à la vie privée sur un blog.

Y’a des blogs où il se passe des choses. Plein de choses. Des feuilletons à rebondissement avec des gens qui parlent d’autre chose que de leur putain de déménagement qu’est toujours pas fini (et attendez, après je compte bien blogguer l’emménagement dans le nouvel appart, autant dire la vie fascinante que je mène ces derniers temps).  

Sur un de ces blog, l’auteur raconte à mots plus ou moins couverts, disons avec une certaine neutralité qui est tout à son honneur, son aventure/mésaventure avec un homme marié, lecteur de son blog, qui la draguait par mail depuis un moment.

J’ai suivi d’assez près cette histoire du premier mail à la découverte du statut marital du monsieur jusqu’à l’incroyable « en fait, j’ai oublié de te dire, ma femme est enceinte » et le summum « elle accouche dans trois semaines mais c’est pas grave, je la quitte, viens vivre avec moi. » Le truc fou c’est qu’il l’a quittée, le truc moins fou c’est qu’il est revenu au bout de deux jours.

Vous me direz c’est trop banal, la flippe de la paternité, internet qui aide à s’enflammer etc…

Là où ça devient plus intéressant c’est que suite à un post où Emma résume cette sombre affaire (sans nommer personne), le monsieur l’a prévenue qu’il comptait l’attaquer en justice pour diffamation et faire fermer son blog.

Bon… il s’enflamme un peu. Ca va être difficile de prouver la diffamation – parce que notez bien que du haut de sa grandeur d’âme, elle ne profère aucune insulte contre lui. Même pas un petit « putain d’enculé de ta race à la bite molle». Elle se contente des fait (et concernant l’état de son appendice à corps caleux nule info). Par contre, après étude du cas, il pourrait tenter une action en justice pour atteinte à la vie privée.

Et là, ça pose quand même un problème de taille pour les blogs en général et les blogs de filles en particulier (j’ai un onglet netvibes entièrement consacré au thème quand même). Parce qu’évidemment, on peut se contenter de théorie vague (comme j’ai fait ici) sans nommer personne. Mais on peut aussi raconter une histoire un peu plus précise. Or, selon maître Eolas (dans son indispensable post sur le sujet), pour être attaqué, il n’est pas nécessaire que la personne soit identifiée. Il suffit qu’elle soit identifiable. Et pire : « Inutile qu’il soit identifiable par des milliers de personnes. Un groupe restreint suffit, du moment qu’il peut subir un préjudice du fait d’être reconnu. »

En l’occurrence, le monsieur infidèle est commerçant dans une certaine ville d’un certain pays (je fais hyper gaffe hein) et il est persuadé qu’il risque de perdre des clients à cause de cette mauvaise publicité.

Au final, je suppute qu’il va abandonner son envie de vengeance judiciaire. Mais plusieurs choses m’étonnent/m’intriguent dans cette histoire :

  1°)  ce qui est pour la blogueuse une déception sentimentale est perçu par le monsieur comme de la diffamation

  2°)  le principe même du recours en justice quand il s’agit d’une histoire sentimentale est inquiétant (d’autant que le monsieur n’en a visiblement rien à foutre du mal qu’il a lui-même fait)

  3°)  ça remet en question quelque chose de l’ordre de l’interaction entre individus. Oui, actuellement, avoir une histoire avec quelqu’un c’est risquer de se/la retrouver sur internet. En même temps, le colportage de rumeurs a toujours existé.

La loi tranche ces questions assez clairement mais à une époque où tout le monde étale sa vie sur internet ces réponses sont-elles encore viables ? Le rapport à la vie privée, à l’intimité, n’est-il pas en train de se transformer en profondeur, de muter vers de nouvelles conceptions ?

En l’état actuel du droit, Eolas nous explique que :

« L’article 9 du code civil pose le principe du droit de chacun au respect de sa vie privée et donne au juge des référés le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à une telle violation.  […]
Cela recouvre la vie de famille (relations sentimentales, enfants), la vie sexuelle (moeurs, orientation sexuelle), etc… Ne parlez pas de la vie privée d’une personne dénommée ou aisément identifiable (mêmes règles que pour la diffamation) sans son autorisation. »

Ce qui signifie que si me prenait l’envie d’avoir une folle vie sexuelle et d’aller la narrer ici, je devrais faire attention à ce que mes partenaires de jeu ne soient pas identifiables – même par un petit groupe. Autant dire que ça perdrait beaucoup de son charme… Et puis qu’est-ce qu’un « petit groupe » ? Notamment dans des milieux où, de toutes façons, tout le monde est au courant des frasques sexuelles des autres et où on a vite fait d’identifier les protagonistes.

Ne reste plus qu’à compter sur la « raison garder » des gens…

Zob… moi qui voulais me lancer dans du blog de cul pour augmenter les visites…  

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