16 octobre 2008

Stella le film… et pas seulement

Qu’est-ce qu’il y avait dans la tête des filles du fond de la classe ? Dans la tête de ces cancres mal fringuées qu’on n’invitait pas aux boums parce qu’on sentait confusément qu’elles n’appartenaient pas au même monde.
Ce que le film Stella (sortie le 12 novembre) raconte, je l’ai vécu – comme toutes les petites filles de 11 ans. Je l’ai vécu des deux côtés de la frontière. J’ai été la bonne élève intégrée. Stella la marginale s’appelait alors Estelle – toujours un truc d’étoile. Elle n’avait pas la coupe au carré/frange/serre-tête avec le col claudine de rigueur dans mon école (c’est simple, sur la photo c’est celle qui n’est pas en bleu, celle qui se définit négativement) mais des kilos de bijoux pacotille, des tenues de princesse élimées et certains jours un palmier sur la tête. Ca a l’air de rien mais pour certains, ça faisait une différence insurmontable.

Le jour où elle m’a invitée chez elle, on devait avoir huit ans. Elle m’a d’abord montré le salon puis la chambre. La seule chambre. Celle qu’elle partageait avec ses parents et son petit frère. Devant les matelas posés à terre et la promiscuité qu’ils suggéraient, je suis restée tétanisée de malaise. J’ai seulement réussi à lui demander en balbutiant où elle faisait ses devoirs. C’était débile. Juste, Estelle, elle faisait jamais ses devoirs.

Et puis, dans l’univers policé de cet arrondissement bourgeois, (précisons que je me tapais quand même la petite-fille De Gaulle dans ma classe et elle, autant dire que les cols claudine c’était la base de sa garde-robe), où toutes mes copines allaient au catéchisme sauf celles qui étaient juives, où dans la case profession des parents elles remplissaient consciencieusement avocats, publicitaires, journalistes et pour les plus excentriques architectes, où tous les élèves rentraient des vacances d’hiver avec la marque des lunettes de ski, où quand il a fallu ramener en classe un journal 18 élèves sur 19 sont arrivés avec le Figaro dans leur cartable tandis que ma mère m’avait refilé le Canard Enchainé, (me rappelle aussi la kermesse de l’école où ma grande soeur m’avait épinglé un badge rose trop joli mais dont le dessin représentait une feuille de cannabis), j’ai été la marginale dont les chaussures n’étaient pas des reebooks et dont le père ne parvenait visiblement pas à se remettre de ses deux ans de consommation de stupéfiants en Inde.
Heureusement, depuis, je me suis achetée les reebooks blanches de mes rêves. Et Stella est un excellent film fortement autobiographique de Sylvie Verheyde.


Sandrine, t’avais raison.

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