17 décembre 2008

Sans titre

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Je sais, j’ai promis du cul mais avant, il faut bien faire ce post-là. Je le reporte depuis un moment et on y est. C’est aujourd’hui.
J’ai commencé ce blog avec une rupture amoureuse. Les premiers jours, bloguer m’a permis de tenir dans la mesure où raconter mon malheur me faisait rire. Mais cette rupture s’éloigne. Une rupture en débardeur – c’est dire si ça remonte. Les déchirements de l’après paraissent un peu absurdes. Pourtant je garde à jamais un souvenir ému de Roxanne, une jeune femme bouleversée, une nuit dans un bar de Montorgueil. J’avais remarqué qu’on parlait du processus de rupture comme d’une maladie grave, avec des symptômes, des évolutions, des stades différents. L’euphorie, la colère, la tristesse – autant d’états émotionnels qui se transforment en paliers à franchir. Plus ou moins vaillamment.
Depuis cette rupture, il y a eu plein de choses, les plus importantes étant incontestablement professionnelles et puis des micro-évènements.
Une alternance de deux phases. Les instants difficiles. Dans mon cas précis, la torture de questions auxquelles on n’aura jamais de réponse parce qu’une réponse c’est déjà une forme de rationalité incompatible avec les tourments et changements du sentiment amoureux. Et puis, parfois, j’ai vécu des moments qui avaient la fraîcheur de l’adolescence, quand on traînait devant les marches du Panthéon avec Cureuil, et d’autres qui avait la saveur d’un instant avorté dix ans plus tôt.
Mais dans le fond, cette rupture, elle m’a ramenée au temps qui passe. Cinq ans. Quand je regarde les photos, je vois des enfants. Ce que j’en retiens, ce qui a sans doute été le plus difficile, ce n’est pas d’admettre qu’on ne vieillirait pas ensemble – parce qu’on n’a jamais voulu vieillir ensemble, on n’a pas à faire le deuil d’un avenir dans lequel on ne s’est pas projetés. C’est de comprendre qu’en quittant l’autre c’est avant tout à son passé, à sa jeunesse, à sa vie, à soi-même qu’on dit adieu. A la sécurité aussi. On se quitte et paradoxalement on se retrouve, parce qu’on se perd dans un couple, on se perd dans le regard – ou l’absence de regard – de l’autre. Soulagée de ce poids, on se retrouve. Et on se réconcilie – loin de la tyrannie de « devoir être » amoureux.
Mais il y a eu des deuils difficiles. Le deuil de ma vie d’étudiante. Le deuil de la cour d’honneur. Le deuil de la bande de branleurs invétérés qu’on ne sera plus. Le deuil de l’ami qui mettait son caca au micro-onde. Le deuil de la découverte des rockeurs parisiens. Le deuil des vacances fauchées à l’autre bout du monde. Le deuil de l’école doctorale Langage et Concept. Le deuil de la découverte des bédés de Trondheim. Des Strokes et des Libertines. Le deuil de la queue de Vincent Gallot. Le deuil de Zoolander. Le deuil de l’écoute dans un silence religieux des compiles des Inrocks avant de décréter que tout est de la merde. Le deuil des concerts pourris au Gambetta en pensant que la conquête du monde est pour demain. Le deuil surtout d’un amour qui avait des yeux tellement enfantins pour me regarder que même du haut de mes 23 ans j’en étais stupéfiée et renversée.
Privée de l’autre avec qui on a partagé ces différentes périodes, qui a fait le lien entre tous ces instants, le propre du compagnon, on se retrouve seule avec ce qui n’est plus qu’une somme de souvenirs morts à jamais.
Ce qui m’a sauvée dans cette rupture, c’est que je n’ai pas oublié que la partie de moi à qui je faisais mes adieux était recroquevillée sur son canapé en sanglotant, attendant désespéramment que la porte de l’appart se décide à s’ouvrir vers les 6h du mat et prête à entendre n’importe quel mensonge en souvenir des yeux innocents qui l’avait regardée quelques années plus tôt. C’est sans doute plus facile de renoncer à ça.
Je n’aurai plus jamais 23 ans.
Et c’est un soulagement.
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9 commentaires pour “Sans titre”

  • J’ai trouvé ton blog hier, juste attiré par le titre (je suis un peu geek… ok, beaucoup…). J’ai lu les 1ers posts et je suis resté par « circonstances »… Je viens d’avoir 30 ans (comme toi dans tes derniers posts) et je viens de vivre une grosse rupture (comme toi dans les premiers) et la vie se remet en question d’elle même. Bref, merci pour ce post là et merci pour l’aide (bien qu’involontaire, elle n’en reste pas moins de valeur).

    le 22 mai, 2010 à 9 h 05 min
     
  • Oh… Ca me fait bizarre du coup de retourner sur ce vieux post. Mais je l’aime bien. J’ai juste du mal à le relire, je passe dessus très vite.
    En tout cas, de rien. J’espère que mon blog réussira à te faire un peu marrer dans les moments de déprime (oui, parce qu’il risque d’y en avoir quelques uns. L’avantage, c’est qu’on n’en meurt pas.)

    le 27 mai, 2010 à 17 h 03 min
     
  • Bah moi, je vivais la même chose au même moment en fait… cet article met LES maux sur la véritable nature de ce à quoi je disais adieu… Et tout pareil.

    Merci.

    le 22 septembre, 2010 à 11 h 25 min
     
  • Je suis tombée sur ton blog en lisant ton article sur Marc Lévy. J’ai beaucoup ri. Du coup je me suis intéressée à ce que tu écrivais et c’est une drôle d’impression de rentrer dans la vie de quelqu’un et de se sentir proche et attendrie par sa vie sans jamais l’avoir croisé. Ce post m’a bien remué. C’est très beau. Alors comme je sens une âme fragile mais volontaire, désespérée mais opiniâtre, je te souhaite plein de bonheur à venir. Et merci d’être ce que tu es.

    le 22 septembre, 2010 à 12 h 45 min
     
  • alors voila… je viens de découvrir ton blog, ca fait 2h que je traine au lit car j ai décidé de lire tous tes articles depuis le premier, j en suis a la 2eme cafetiere, et je me suis promis qu a 13h petantes je bouge mon cul de la, apres avoir mis ton blog en favoris)… et la, je ne peux m’empecher de te laisser un petit mot…. tu m’as mis la larme a l’oeil! arf….

    le 5 février, 2011 à 12 h 04 min
     
  • Mel : en validant ton commentaire, je me rends compte que je n’ai pas répondu aux autres. Du coup :

    Pregunta : bizarrement, c’est un post super perso, mais en même temps, complètement générationnel. Je suppose qu’on est nombreux à être passé exactement par là.

    Lise : Merci à toi! De l’article sur Marc Levy à ce post, y’a un gouffre. Je sais pas si j’écrirais encore un post aussi personnel maintenant.

    Mel : deuxième cafetière, post de décembre 2008… Il reste encore de la lecture, t’auras pas fini à 13H ;) C’est marrant de penser que quelqu’un est précisément en train de lire tous ces textes…

    le 5 février, 2011 à 12 h 17 min
     
  • Pareil, je suis tombée sur ce blog par hasard et me voilà lancée dans la lecture de tous les articles depuis le début… (et encore, je crois que les tous premiers posts ne sont pas accessibles).
    Il va etre 1h du mat, je devrais aller dormir après ces quelques heures de lecture, mais impossible, je reparts systématiquement sur « allé, un dernier et j’éteinds »!
    Décembre 2008, il me reste 2 ans et demi de posts à lire… Encore des fous rires en perspective! Merci (je sais que ca tombe mal de commenter sur cet article qui n’est définitivement pas le plus marrant!)

    le 28 avril, 2011 à 23 h 49 min
     
  • J’en suis exactement au même point que toi en cette période, attendre en sanglotant que la porte de l’appart se décide à s’ouvrir, et prête à oublier, pardonner et croire n’importe quoi. Faire comme si de rien n’était le lendemain.

    Tu as eu le courage d’y mettre fin, et rien que pour ça je t’admire.
    (J’ai aussi lu le reste du blog, et ça le rassure de voir qu’on s’en sort, et que la vie reprend le dessus).

    le 20 novembre, 2012 à 0 h 01 min
     
  • J’ai découvert ton blog via un article sur Madmoizelle. Il renvoyait à ton dernier article, sur ton second accouchement et, m’étant tellement marrée, j’ai poursuivi ma lecture de quelques articles avant de me dire « Allez hop, on s’le fait en ordre chronologique, histoire d’y biter un broque ! ». Et du coup, me voilà sur cet article et…Je suis juste époustouflée. Je n’ai même pas encore 23 ans, pourtant cet article me parle. C’est d’une beauté nostalgique que l’on peut ressentir derrière tes mots. Merci.

    C’est mon premier commentaire, mais, me connaissant, il risque d’y en avoir d’autres.
    (Oui, il est bien 4h34 chez moi aussi…)

    le 21 août, 2014 à 4 h 35 min
     

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